
Paris a accueilli Viva Technology 2025 du 11 au 14 juin. Ainsi, la Porte de Versailles a vibré sous le pas de 180 000 visiteurs. De plus, près de 14 000 startups et 450 intervenants ont animé quatre jours intenses. Pierre-Antoine Tsady et moi-même, Yoann Pantic, munis de notre accréditation Ecostylia Magazine, avons couvert ce rendez-vous unique de l’innovation technique. Cependant, notre compte rendu dépasse la somme des chiffres. Il explore l’intelligence artificielle, la mode, la culture, la santé et la quête d’une technologie durable.

Des chiffres records
Le salon Vivatech grandit chaque année. Ainsi, il a affiché +20 % de fréquentation par rapport au salon Vivatech 2024. De plus, 40 % des visiteurs venaient de l’étranger, signe d’une attraction internationale. Les organisateurs ont annoncé 640 000 mises en relation B2B. Cependant, l’enjeu a dépassé la métrique économique : la France a confirmé sa place dans la tech européenne. Les pavillons du Canada, des États-Unis et de la Chine ont côtoyé ceux d’Occitanie ou de Bretagne. Cette densité humaine dessine une géographie mondiale de l’innovation.
Un robot furtif et empathique

Nous avons franchi l’entrée presse à 9 H 00. Soudain, un robot aux yeux blancs malicieux s’est approché, capteurs braqués sur nos badges. Il s’agissait d’un droïde de livraison du géant chinois Pudu Robotics. Ses mimiques variaient comme pour nous inviter à la découverte. C’est ainsi qu’ont débuté quatre jours de high-tech !
IA générative, fil rouge stratégique
Cette année encore, l’IA générative a dominé l’édition. Les stands de Google, Microsoft et Meta n’ont pas désempli.
Fait marquant pour la France : Mistral AI a annoncé Mistral Compute, infrastructure souveraine forte d’au moins 18 000 GPU NVIDIA [chiffre souvent évoqué, mais non confirmé à ce stade, NDLR]. Le président Emmanuel Macron a applaudi cette étape vers une autonomie technologique. Quand on sait que NVIDIA est une entreprise américaine, on peut effectivement être rassuré…
Deux réflexions de terrain
Cependant, deux constats tempèrent l’enthousiasme :
- Souveraineté numérique : malgré la présence remarquée des clouds français, tels que Scaleway ou OVHcloud, la bataille face aux géants américains reste titanesque. Ainsi, la souveraineté bute encore sur l’échelle d’investissement, la couverture mondiale et l’accès privilégié aux semi-conducteurs.
- Essoufflement du mouvement GenAI : l’IA reste au centre, mais la frénésie des deux dernières années s’atténue. Les couloirs bruissent moins de promesses et plus de retours d’expérience mitigés. En entreprise, j’observe de nombreux investissements sans retour concret. Cependant, une poignée d’acteurs en bénéficient grâce à leur vision et gouvernance claires. Cette feature fatigue ouvre une phase de consolidation.
Robot-taxi Tesla : pari autonome et polémiques

Le stand Tesla a dévoilé le Cybercab, un véhicule électrique censé conduire ses passagers tout seul. Nos confrères de Reuters ont confirmé des tests publics à Austin dès le 22 juin 2025. Cependant, la date européenne reste inconnue. Les régulateurs scrutent la fiabilité logicielle.
Évidemment, les récentes brouilles d’Elon Musk avec Donald Trump étaient sur toutes les lèvres. Néanmoins, nos questions aux salariés du fantasque patron, présents sur le stand, ont reçu des "no comment".
AfricaTech en lumière
Cette année encore, le pavillon Afrique débordait d’énergie et d’optimisme. Ainsi, plusieurs dizaines de startups ont présenté des solutions ancrées dans les réalités locales. L’allée réunissait Nigeria, Kenya, Maroc et bien d’autres pays du continent.
Nous avons salué Philippe Bouiti Viaudo, porte-voix congolais de la délégation Osiane CG, qui représentait un ensemble de startups de la République du Congo et d’Afrique Centrale. La durabilité était ici le maître mot.

Les régions aussi étaient au rendez-vous
Au-delà de l’international, nos territoires affichaient leurs couleurs. Originaire de Provence-Alpes-Côte d’Azur, j’ai savouré l’effervescence du stand méridional. Une intelligence artificielle au service de la ville fluide animait les écrans de Videtics. Tout près, Inclusive Brains présentait ses interfaces cerveau-machine capables de piloter la machine par la pensée. À quelques mètres, EpicnpoC dévoilait un cockpit automobile sensible au regard et au geste, tandis que Nanoz mesurait la qualité de l’air grâce à ses capteurs nanotechnologiques.
L’écologie, enfin, trouvait un écho puissant. Earthwake convertissait les plastiques non recyclables en carburant bas-carbone ; et Hexana promettait une énergie industrielle décarbonée, modulable comme un simple SaaS. La Côte d’Azur n’est pas seulement une destination de vacances ; elle demeure un laboratoire d’innovations, fidèle à sa tradition depuis la création de Sophia Antipolis et l’invention du langage Prolog, conçue dans les années 1970 par le regretté professeur Alain Colmerauer de l’Université d’Aix-Marseille, que j’ai eu le plaisir d’avoir durant mes études.

Mode et beauté
Dans le Hall 1, deux géants se faisaient face : LVMH à gauche, L’Oréal à droite. Le premier invitait le public à déambuler dans sa Dreamscape, un parcours entre défilés virtuels, robotique de flaconnage et remise express du LVMH Innovation Award. Le second, pour sa 9e participation au salon, a démontré une spectaculaire beauty tech : diagnostic cutané prédictif piloté par l’IA, assistant de beauté conversationnel sur WhatsApp et « agriculture verticale » d’ingrédients durables. Porté par son hub d’innovations, le groupe repousse les frontières d’une beauté plus personnalisée et responsable.
Ces démonstrations confirment l’alliance entre IA générative et expérience client. Toutefois, l’accent environnemental reste timide. Quelques capteurs de consommation d’eau et un packaging allégé suffisent-ils devant l’urgence climatique ?
Culture augmentée
La création artistique trouvait son souffle à l’AI Creative Show : première européenne du Runway AI Film Festival, concert immersif Viva Night, réunissant The Blaze sous une pluie de lasers.
Parmi les jeunes pousses croisées, Artpoint se distingue : la plateforme diffuse des œuvres numériques sur écrans connectés et rémunère les artistes via un modèle locatif, renouvelant ainsi l’accès à l’art dans les hôtels, musées ou bureaux.
Technologie et sauvegarde du climat en 2025 : réalité ou green washing ?
Les organisateurs vantaient les gestes verts : éclairage LED généralisé, cloisons réutilisables et moquettes recyclées. Pourtant, la chaleur record de juin 2025 — plus de 36 °C à Paris — rappelait l’urgence climatique. Le vrai sujet reste l’empreinte de l’IA. Selon le MIT, l’entraînement d’un modèle comme GPT-3 peut engloutir plus de 1 000 MWh d’électricité. Cela représente la consommation annuelle de centaines de foyers. En outre, L’Agence internationale de l’énergie prévient que la demande globale des data centers pourrait dépasser 1 000 TWh dès 2026. Face à ces projections, la sobriété logicielle, le refroidissement immersif et l’alimentation renouvelable ne relèvent plus du marketing ; ils conditionnent désormais la crédibilité écologique du numérique.
Santé au Vivatech : l’IA au chevet du patient
Pour finir, disons que la santé a brillé sous l’impulsion de l’IA. Le robot compagnon Buddyo de la startup niçoise Bodyo mesurait tension, saturation et glycémie, tout en ouvrant un canal de téléconsultation immédiat. À côté, le coréen Mand.ro dévoilait une prothèse bionique imprimée en 3D, dix fois moins chère que les dispositifs classiques. Côté diagnostic, SkinMed proposait un kit de dépistage instantané des cancers cutanés via un module caméra-IA, tandis que Chipiron présentait un scanner IRM portable aussi compact qu’un micro-ondes. La santé mentale n’était pas en reste : Emobot analysait micro-expressions et ton de voix pour suivre l’humeur et détecter les signes avant-coureurs de dépression. De la prévention au traitement, ces technologies préfigurent une santé révolutionnée par l’IA.
Ce que nous avons retenu de cette neuvième édition de Viva Technology
Nous sommes sortis de ce salon avec un sentiment contrasté. L’IA générative a conservé son aura, mais l’engouement n’est plus le même qu’il y a deux ans : les promesses se font plus prudentes et les retours sur investissement se font attendre. L’IA saura-t-elle se réinventer ?
En ce qui concerne l’écologie, les stands ont affiché une image verte. Cependant, la consommation énergétique des data centers annule beaucoup d’efforts.
La souveraineté numérique semble une équation encore plus insoluble. La France a brandi Mistral Compute et ses clouds locaux ; néanmoins, notre dépendance aux puces et aux clouds américains demeure, tandis que les tensions géopolitiques augmentent.
Nous avons donc mesuré l’écart entre ambition technologique et responsabilité concrète. La dixième édition est déjà programmée du 17 au 20 juin 2026. Elle nous permettra de vérifier si l’industrie aura su concilier performance, sobriété et indépendance. En attendant, Ecostylia Magazine s’est engagée à continuer d’explorer la frontière mouvante entre progrès et durabilité.