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Michel Fréret-Roy ou le renouveau de l’horlogerie de luxe à Paris

Michel Fréret-Roy et sa boutique d’horlogerie Montres et Merveilles à Paris

Dans l’écrin de sa boutique Fréret-Roy au sous-titre évocateur de Montres et Merveilles, nichée au coin de la prestigieuse Place Vendôme à Paris, Michel Fréret-Roy nous ouvre les portes de son univers. C’est ici, au cœur de cette capitale mondialement reconnue pour son goût du luxe et de l’élégance, que notre fondateur Pierre-Antoine Tsady a eu l’opportunité de rencontrer cet horloger passionné.

Ensemble, ils plongent au cœur d’une histoire riche, d’un savoir-faire exceptionnel et d’une quête incessante d’authenticité et de distinction. De l’importance de son histoire familiale à l’origine suisse de ses créations, en passant par la spécificité de ses montres « squelette » et l’élaboration de sa nouvelle collection, Michel Fréret-Roy nous dévoilera les secrets et les réflexions qui se cachent derrière chaque pièce minutieusement élaborée.

Par ailleurs, nous découvrirons également l’esprit qui anime la boutique, son processus de sélection de marques indépendantes, et comment celle-ci se distingue dans le paysage horloger parisien. Préparez-vous à embarquer pour un voyage fascinant à travers le temps et l’artisanat, où chaque tic-tac résonne comme un écho de l’authenticité et de la passion horlogère.

Interview

Pierre-Antoine Tsady : Pourriez-vous, s’il vous plaît, nous parler de l’importance de votre histoire familiale dans l’horlogerie et comment elle a influencé votre parcours ?

Michel Fréret-Roy : Bien sûr. En réalité, elle est fondamentale. J’ai commencé ma carrière dans le BTP, qui était le domaine de mon père, entrepreneur de travaux publics. Dès mon jeune âge, je le suivais sur les chantiers. J’ai toujours évolué dans ce milieu entrepreneurial, aux côtés de mon père, un homme très actif et engagé dans plusieurs fédérations patronales. Il a assumé de nombreuses responsabilités, dont celle de maire, de conseiller régional, de président de la Fédération des Travaux Publics de Normandie qu’il a créée, et de vice-président de la Fédération Nationale des Travaux Publics, président de la Fédération des Routes de France et aussi président de la commission sociale de la FNTP. C’était un homme de dialogue, très ouvert.

Après des études commerciales, j’ai travaillé en Allemagne en tant que coopérant, puis j’ai passé deux ans dans une banque – mon purgatoire. Ensuite, j’ai rejoint Spie Batignolles, une entreprise de travaux publics, où je montais des affaires à l’étranger. J’ai beaucoup voyagé, notamment en Afrique anglophone et au Moyen-Orient, en assurant la promotion de grands projets. J’ai aussi vécu à l’étranger où j’ai dirigé la filiale mexicaine. J’ai ensuite travaillé dans le groupe Jean Lefebvre, puis chez Vinci où Directeur Commercial, Marketing et Communication de la branche travaux Industriels, j’ai aussi dirigé une filiale en Espagne et une autre au Maroc…

P.A.T. : Pourriez-vous nous dire comment votre expérience dans les grands groupes français d’ingénierie et de BTP a contribué à votre succès dans le domaine de l’horlogerie ?

M.F.R. : Eh bien, je suis venu dans l’horlogerie par atavisme familial, du côté maternel pour être précis. Mon quadrisaïeul est venu de Couvet, dans le canton de Neuchâtel, à Rouen en 1802, où il a ouvert une boutique et un atelier d’horlogerie. En 1818, il a créé une fabrique d’horlogerie qui a été développée par son fils Henri Roy, mon trisaïeul. À cette époque, nous n’utilisions pas encore le terme manufacture, mais plutôt fabrique. Mon trisaïeul a développé des brevets, des horloges monumentales, et fabriqué des horloges de parquet, dont vous pouvez voir deux exemplaires ici à la boutique, ainsi que des montres de gousset. Les montres-bracelets, en revanche, ne sont apparues qu’au début du 20ème siècle.

Mon arrière-grand-père s’occupait de la fabrication, puis mon grand-père, pour des raisons familiales, a quitté l’horlogerie pour créer une entreprise de transport. Mais je ressentais en moi un intérêt profond pour l’horlogerie, comme une sorte de « virus horloger ». En fait, j’étais passionné par les montres.

Et, lorsque la passion pour les montres l’a emporté et que s’est concrétisée mon envie de changer d’horizon professionnel, après en avoir discuté avec mon épouse Sophie, et avec son accord et concours indéfectible je le souligne, nous avons franchi le pas et avons créé notre société la Compagnie Française de Montres SARL, en février 1997, dont l’activité était l’importation et la distribution de montres suisses haut de gamme sur le territoire français. Une histoire commencée il y a plus de 25 ans !

Intérieur de l’agréable boutique de Michel Fréret-Roy Montres et Merveilles
Intérieur de l’agréable boutique de Michel Fréret-Roy Montres et Merveilles

P.A.T. : Pourriez-vous nous en dire plus sur la philosophie derrière la création de la collection de montres Fréret-Roy 1818 et le sens de la mention de l’année 1818 ?

M.F.R. : Avant de créer notre propre marque, nous avons décidé, mon épouse et moi-même, d’ouvrir en 2005 une boutique très bien située à Paris. C’est en 2011 que nous avons décidé de créer notre propre marque de montres.

Pourquoi ? Pour capitaliser sur notre nom et créer une image qui se renforce au fil du temps.

La mention de l’année 1818 a une signification très spécifique : elle fait référence à l’année de création de la première fabrique d’horlogerie de ma famille. C’est une véritable histoire que je perpétue, celle d’un horloger suisse qui est venu en France pour établir sa propre manufacture en 1818. Cette fabrique existe toujours et porte aujourd’hui le nom de cousins issus de germains les Biard-Roy, bien qu’elle ne fabrique plus de montres mais uniquement de l’horlogerie monumentale. La mention de 1818 est donc un hommage à l’origine de notre patrimoine horloger.

Logo de la marque Fréret-Roy 1818
Logo de la marque Fréret-Roy 1818

Nous avons créé notre marque sous le nom de Fréret, du nom de mon père, et Roy, du nom de ma mère, qui est également mon nom d’usage. Dans l’horlogerie, tous les noms doubles ont une légitimité, ils racontent une histoire, le plus souvent de deux familles, d’association d’individus complémentaires. Pensez à Audemars Piguet, Patek Philippe, Baume & Mercier, Vacheron Constantin – nos voisins immédiats – par exemple. Il y a une véritable histoire, une authenticité derrière ces noms.

Nous avons également été inspirés par le nombre 1818 lui-même. Pour le bicentenaire, nous avons sorti un modèle à 1818 euros et un autre à 2018 euros. Nous avons également des séries limitées de chronographes squelettes, limitées à 18 pièces. Mais nous n’adoptons pas de multiple de 18 systématiquement.

P.A.T. : Pourquoi avez-vous décidé de faire fabriquer vos montres en Suisse plutôt que dans l’usine historique Biard-Roy ? Qu’est-ce que cela apporte à vos créations ?

M.F.R. : L’usine historique Biard-Roy est spécialisée dans la fabrication de pièces d’horlogerie imposantes, telles que des horloges monumentales, et non des montres de poignet qui impliquent l’utilisation de machines et procédés de fabrication très différents.

Concernant la Suisse, nous avons fait ce choix car en France, on ne fabrique plus vraiment de mouvements d’horlogerie. Même s’il y a des marques françaises qui ont pu concevoir et développer des mouvements, la majorité des composants, voire la totalité, ne sont pas français. En général, le Made in France se résume au design, voire à la conception, et surtout à l’assemblage.

En ce qui concerne les autres pays, les Allemands ont développé une stratégie industrielle plus aboutie que la France dans ce domaine, mais c’est une affaire de groupes. Notamment le groupe Richemont avec A.Lange & Söhne et le groupe Swatch avec Glasshütte Original, mais les vraies marques allemandes sont très peu nombreuses.

Les Italiens viennent de ressortir un mouvement OISA mais c’est embryonnaire, quant à la Chine, elle dispose de plusieurs fabricants qui produisent des mouvements dont la qualité est en progrès.

Et puis, il y a le Japon. Les Japonais, notamment Seiko, sont très forts dans la fabrication de mouvements et de montres. Que l’on apprécie ou non leur design, techniquement, il n’y a rien à redire sur leurs créations. Grand Seiko, par exemple, est techniquement remarquable. Les Japonais ont une vraie industrie horlogère, n’oublions pas non plus Citizen, propriétaire de la manufacture suisse de mouvements Lajoux-Perret.

En résumé, nous avons choisi la Suisse pour la fabrication de nos montres car la Suisse est encore un pays incontournable dans le domaine de l’horlogerie, qu’on le veuille ou non, et la part suisse de nos montres reste majoritaire.

P.A.T. : Pourriez-vous nous parler de l’importance de l’introduction de votre boîtier exclusif Fréret-Roy 1818 dans le développement de vos modèles ?

M.F.R. : Certainement. Notre premier boîtier était un modèle existant que nous faisions personnaliser. Nous avons commencé par des modifications esthétiques, telle que la finition du boîtier que nous faisions brosser et satiner à la main, mais qui changeait complètement l’aspect de la montre. Mais notre objectif était de créer un produit vraiment distinct. Ainsi, au fil du temps, nous avons entièrement redessiné le boîtier.

Nous avons notamment introduit un protège-couronne extrêmement fin et allongé, qui protège la couronne des chocs tout en restant presque invisible. Sur le chronographe squelette, il s’intègre même parfaitement avec les poussoirs.

S’il est un autre aspect que nous avons particulièrement soigné pour ce boîtier, c’est la corne. La corne est « droite » mais sa forte courbure la rend adaptée aux petits poignets, même si le diamètre du boîtier de 42 mm est assez imposant. C’est un détail que j’apprécie, et qui nous distingue de nombre d’autres marques qui, selon moi, arborent des cornes trop horizontales ou trop longues qui rendent le boîtier trop imposant. C’est une question de goût, bien sûr, mais je pense que notre approche rend nos montres plus faciles à porter à tous les poignets.

En somme, tous ces détails ont abouti à la création de boîtiers véritablement exclusifs à notre marque, qui distinguent nettement nos montres de celles de nos concurrents.

P.A.T. : Les montres « squelette » ont fait le succès de Fréret-Roy 1818. Qu’est-ce qui les rend si spéciales et pourquoi avez-vous décidé d’en faire votre signature ?

M.F.R. : Avant 2005 ou 2007, les montres « squelette » arboraient des décorations flamboyantes, très tarabiscotées ou maniérées, « à l’ancienne » comme on dit. Puis est venue la tendance des découpes très modernes, des platines plutôt brutes découpées en ligne ou en courbes selon les cas. Devant la vogue de cette tendance nouvelle, nous l’avons faite nôtre et avons lancé nos propres modèles squelette aux découpes modernes, toujours en courbes en ce qui nous concerne. Seules les montres squelette Dame arborent des mouvements qui restent découpés de manière plus classique ou plus féminine tout simplement.

Autre spécificité, nos montres squelettes portent toutes le nom de Cœur Ouvert® que nous avions déposé à l’INPI pour la première fois en 1999 et utilisé sans interruption depuis. Les noms de nos modèles squelette sont tous déclinés autour de ce nom déposé.

Le squelette est devenu notre signature, non seulement parce que c’était une tendance, mais aussi peut-être parce qu’il y avait des similitudes avec les travaux publics, les structures métalliques et l’architecture. Quand on crée des montres squelettes, on ressent la même sensation que lorsque l’on crée des structures métalliques ou des ponts. Il y a un lien direct avec le BTP.

Quand on découpe un mouvement, c’est de la création architecturale. Je sélectionne parmi les mouvements disponibles sur le marché ceux qui m’intéressent et que je souhaite utiliser, je choisis une découpe ou plutôt désormais la dessine ou la redessine moi-même. Pour les cadrans, tous sont désormais dessinés par mes soins.

Il en va ainsi pour tous nos modèles, de notre pièce la plus haut de gamme le Cœur Ouvert® Tourbillon dont j’ai dessiné la découpe du calibre manufacturé et aussi le cadran ­– déposés à l’INPI – en passant par notre modèle historique le Cœur Ouvert® Nouvelle Vague V2.3 – 3 pour la troisième évolution – qui arbore un mouvement et un cadran redessinés, le Cœur Ouvert® 120 H et ses différentes versions, le Cœur Ouvert Chronographe et bien sûr notre dernière création, le Sub Ocean Jumbo Chrono. C’est ce qui donne un style fort, un ADN à notre marque, on sent une empreinte, un style qui est le nôtre.

Ma dernière trouvaille concerne le placement original de notre logo sur le cadran ! En effet, notre logo Ξ [lettre grecque xi majuscule qui ressemble à un trois horizontal en chiffres romains] est désormais placé à 3 heures sur le cadran ! Positionné ainsi dans l’alignement de la couronne, si votre montre dépasse de votre manche lors d’une réunion par exemple, on remarquera tout de suite le logo… puis la marque pour les connaisseurs ou pour les curieux.

P.A.T. : Pouvez-vous nous en dire plus sur votre nouvelle collection, notamment le Cœur Ouvert® Tourbillon et le Fréret-Roy 1818 Sub Ocean Jumbo Chrono ?

M.F.R. : Avec plaisir. Le tourbillon est une nouvelle création, dont l’idée a été inspirée par nos échanges avec un client passionné de montres. Un de nos clients de longue date, américain, avait envie d’un tourbillon unique ou rare, mais sans dépasser le montant de 30000 euros. C’est ainsi que le Cœur Ouvert ® Tourbillon a vu le jour. J’ai travaillé en collaboration avec lui et d’autres clients intéressés par une telle pièce pour finaliser les détails du design de ce garde-temps.

En parlant de design, le pont du tourbillon de cette montre est d’une finition rhodiée – argentée – différente de celle du mouvement anthracite foncé, une idée suggérée par un de mes clients. Cela crée un contraste intéressant et permet de mieux distinguer le tourbillon et le met en valeur.

Montre Fréret-Roy 1818 Cœur Ouvert® Tourbillon
Montre Fréret-Roy 1818 Cœur Ouvert® Tourbillon

Quant au Fréret-Roy 1818 Sub Ocean Jumbo Chrono, il est né de l’envie d’un client friand de montres volumineuses. Il s’agit d’un tout autre boîtier de plongée dont le fond plein est en acier, sans verre de fond. Avec un diamètre de 46,5 mm, ce chronographe est certes grand, mais grâce à la forme plongeante des cornes, il convient même aux poignets plutôt fins.

Pour le cadran de ce Jumbo Chrono, nous avons adopté une approche différente. Au lieu de découper le mouvement comme nous le faisons habituellement pour nos montres squelettes, nous n’avons découpé que le centre du cadran, lui aussi à « cœur ouvert » et avons placé des disques de compteurs très fins, ouverts, pour laisser entrevoir la partie centrale du mouvement. Le centre du mouvement est retravaillé ou brossé à la main selon les mouvements, offrant un beau contraste avec le cadran qui alterne les finitions grainées et brossée. Et le prix reste contenu à moins de 4000 euros !

Cette montre présente également une particularité intéressante. Le gris de son cadran est relevé par une pointe de doré, une couleur que nous avons inaugurée il y a sept ans et qui est devenue l’une de nos signatures. Cette teinte donne une touche de distinction à la montre.

Montre Fréret-Roy 1818 Sub Ocean Jumbo Chrono
Montre Fréret-Roy 1818 Sub Ocean Jumbo Chrono

P.A.T. : Pourquoi avez-vous décidé de créer une autre ligne de montres exclusive, la Petite Minute®, et en quoi est-elle unique ?

M.F.R. : L’originalité de cette ligne, dont le boîtier est le même que celui de nos Cœur Ouvert® Nouvelle Vague V2, réside dans le contraste entre la très petite aiguille des minutes au centre et la grande aiguille des heures. Ce concept est né en réponse aux montres mono-aiguilles [ndlr. comme les montres Slow et MeisterSinger]. Je n’étais pas attiré par le design de ces montres mono-aiguilles dont je trouvais le cadran surchargé et la lecture du temps aléatoire, mais comme elles connaissaient un certain succès, j’ai réfléchi à un concept différent mais concurrent. C’est ainsi que j’’ai créé les modèles Petite Minute®, tout aussi atypiques mais plus précises à lire, surtout si on a un train à prendre !

Je dois dire aussi que cette idée m’est venue à la suite d’une plaisanterie : lorsque l’on demande à quelqu’un « Pouvez-vous attendre une petite minute ? », cela m’a inspiré pour créer une montre qui répondrait à cette expression. Ainsi, la Petite Minute® est née, au sens propre, avec une grande aiguille des heures et une petite aiguille des minutes.

Duo de montres Fréret-Roy 1818 Petite Minute® 12 H & 24 H en blanc et en noir : la petite aiguille indique les minutes !
Duo de montres Fréret-Roy 1818 Petite Minute® 12 H & 24 H en blanc et en noir : la petite aiguille indique les minutes !

P.A.T. : Quels sont vos projets futurs pour Fréret-Roy ? Avez-vous des modèles spécifiques ou des innovations en réflexion ?

M.F.R. : Effectivement, je travaille actuellement sur une montre entièrement en acier. Je trouve que le design actuel de ces montres manque de personnalité ou d’inspiration à l’exception bien sûr des ténors de l’horlogerie que tout le monde identifie justement à leurs modèles tout en métal qui furent innovants en leur temps. Je parle des Patek Philippe Nautilus, Audemars Piguet Royal Oak et de quelques autres. Mais j’aimerais apporter ma propre vision à ce type de modèle. J’ai également l’intention de créer une nouvelle montre pour femme, probablement en 38 mm, qui s’inspirera de la précédente, mais bénéficiera d’une conception améliorée des cornes.

P.A.T. : Si vous deviez offrir une montre à une femme que vous admirez, laquelle serait-ce ?

M.F.R. : Je choisirais le modèle Cœur Ouvert® en version 38 mm, que porte d’ailleurs mon épouse Sophie, dans une unique version mécanique à remontage manuel.

P.A.T. : Et pour vos enfants ?

M.F.R. : Mes fils ont chacun reçu un Cœur Ouvert® Nouvelle Vague V2.3 pour un anniversaire ou un événement.

Montres Fréret-Roy 1818 Coeur Ouvert® Nouvelle Vague version 2.3
Montres Fréret-Roy 1818 Coeur Ouvert® Nouvelle Vague version 2.3

P.A.T. : Et pour le président de la République Française ?

Eh bien… Si le Président de la République avait envie de l’une de mes montres, je lui suggérerais de me contacter ou de me rendre visite… ou de m’inviter à lui rendre visite. Sa majesté Mohamed Ⅵ nous avait ainsi fait l’honneur de sa visite à plusieurs reprises et avait acquis plusieurs montres, dont le Cœur Ouvert® Chronographe lors de son lancement en souscription.

Je précise que je suis résolument contre l’idée d’offrir des montres à des personnes publiques ou qui bénéficient de fonds publics. Les chefs d’État, les politiciens, mais aussi les sportifs surpayés, les acteurs, les millionnaires et les milliardaires ont les moyens d’acheter leurs propres montres. D’ailleurs, lors de mes précédentes expériences avec des acteurs, ceux-ci n’ont jamais porté les montres que je leur ai offertes. Donc, en résumé et par équité, je préfère que chacun paie sa montre, y compris les chefs d’État.

P.A.T. : Comment sélectionnez-vous les marques horlogères indépendantes que vous proposez dans votre boutique ?

M.F.R. : Ma sélection repose principalement sur mon intuition et mon affinité avec les créateurs ou les représentants des marques. Chaque marque présentée ici a été choisie parce qu’elle a suscité mon intérêt. Nous sommes idéalement situés à proximité immédiate des boutiques des marques les plus renommées, ce qui attire une clientèle aisée à qui nous proposons un concept différent, intimiste et convivial. Malgré notre petite taille, notre boutique offre un cadre élégant et classique qui charme nos clients, « à l’ancienne », une sorte de « cabinet de curiosités ». Nous maintenons un mélange délicat de meubles anciens et d’objets d’art dans un décor qui reste stable malgré les tendances changeantes de la mode.

P.A.T. : Quel est le profil type de vos clients ? Avez-vous une nationalité plus représentée que d’autres ?

M.F.R. : Nos clients sont diversifiés et proviennent de nombreux pays. Beaucoup sont Français, venant de Paris ou de nos régions. Nous accueillons aussi régulièrement des Américains qui sont nos premiers clients étrangers et des Canadiens. Les Australiens se sont faits rares depuis le Covid, et nous voyons peu de Chinois actuellement. Les Russes sont également moins présents qu’auparavant et c’est un euphémisme. En revanche, nous observons une augmentation du nombre de clients en provenance du Moyen Orient.

En termes de segmentation professionnelle, les avocats, tant français qu’étrangers, représentent une part de clientèle importante, deux avocats comptant parmi les acquéreurs du tourbillon par exemple. Mais les banquiers, les cadres supérieurs, les entrepreneurs représentent une frange de clientèle importante également. L’âge de nos clients est également varié, allant de la vingtaine d’années pour leur première belle montre jusqu’à 80 ans. Certains viennent seuls, d’autres en famille ou en couple. Par exemple, un de nos nouveaux clients américains, un avocat, est venu seul et s’est exclamé en plaisantant que sa femme allait le « maudire » au vu du nombre de montres qu’il avait achetées ce jour-là. J’en ai donc profité pour lui offrir un petit présent pour sa femme… afin de le faire pardonner.

P.A.T. : Avez-vous des anecdotes intéressantes sur des clients ou des moments spéciaux qui se sont déroulés dans votre boutique ?

M.F.R. : Plusieurs clients m’ont marqué au fil des années. Au premier chef, un charmant Monsieur retraité qui, après avoir vendu sa collection d’objets d’art chinois, a commencé à acheter des montres et des bijoux pour lui-même, sa famille et ses amis. Il était très attachant, avec une simplicité et une grande culture, il venait à tous nos cocktails, malheureusement il est décédé il y a 2 ans, quelques jours après le dernier cocktail auquel il participait.

Bien sûr, je pense également à sa Majesté le roi Mohammed Ⅵ, qui m’a beaucoup impressionné par son extrême courtoisie et sa personnalité attachante.

Malheureusement, toutes les expériences ne sont pas aussi agréables… c’est le cas des trois braquages que j’ai subis ou encore des vols par ruse qui obligent à être toujours attentif !

Et parmi mes fournisseurs ou partenaires, j’ai une pensée spéciale pour un créateur de génie, Daniel Nebel, créateur des montres Nord Zeitmaschine, qui est décédé subitement de maladie à l’automne 2020.

P.A.T. : Qu’est-ce qui distingue votre boutique des autres boutiques horlogères de Paris ?

M.F.R. : Ce qui distingue notre boutique, c’est que nous privilégions les marques et produits atypiques que les clients ne trouvent pas ou rarement ailleurs. Nous proposons des montres singulières, et en ce qui concerne les bijoux, je les crée moi-même. Chaque pièce est issue de mes dessins, je ne fais plus appel à des tiers, souvent pour une question d’originalité. En réalité, c’est moi qui choisis les pierres, dessine les montures, mais si les clients ont des envies ou des idées de design précises, on peut aussi exaucer leurs souhaits. En revanche, nous ne proposons pas de bijoux pour hommes, car je n’ai pas « d’inspiration », mais dans ce cas aussi on peut fabriquer à la demande. Ainsi, je dirais que notre originalité réside dans la personnalisation et la singularité de nos produits.

Duo de montres Fréret-Roy 1818 chronos rouges évoquant les automobiles ou motos de sport avec indicateur de réserve de marche
Duo de montres Fréret-Roy 1818 chronos rouges évoquant les automobiles ou motos de sport avec indicateur de réserve de marche

P.A.T. : Comment interagissez-vous avec vos clients pour comprendre leurs besoins et leurs désirs ?

M.F.R. : Tout d’abord, je m’efforce d’être à l’écoute. Lorsqu’un client franchit notre porte et demande « Qu’avez-vous de mieux ou de plus cher ? », je ne sais ni ne peux répondre à cette question. C’est au client de le définir en fonction de ses goûts, il faut qu’il soit séduit par tel ou tel produit. Si un client me demande la montre la plus chère, je lui rappelle que l’important est qu’elle lui plaise. Je tiens toujours compte du style du client. Cependant, quand un client me dit « je ne sais pas ce que je veux », je me sens mal à l’aise, car cela n’est pas logique. Enfin, je reste toujours vigilant face à ceux qui entrent sans montrer d’intérêt manifeste pour les montres, par mesure de précaution due à mes expériences passées…

Propos recueillis par Pierre-Antoine Tsady, le 31/05/2023.

Voir aussi

Notre article Quelle montre pour homme choisir ? Les conseils d’Ecostylia.