
Zohran Mamdani a bouleversé le paysage politique new-yorkais. Ce trentenaire musulman et progressiste, élu local du Queens, a remporté la primaire démocrate pour la mairie de New York. Cette victoire, acquise face à Andrew Cuomo, ancien gouverneur de l’État, marque le rejet d’un establishment usé.
Il y a six mois, Mamdani ne pesait qu’1 % dans les sondages. Aujourd’hui, il est en tête avec 43 % des voix. Cuomo, malgré ses soutiens prestigieux, s’est effondré à 36 %. Ce revers confirme le basculement d’une partie des électeurs vers une gauche plus radicale. En effet, cette tendance est portée par les luttes sociales, la crise du logement et les inégalités.Cette dynamique est comparable à celle observée à Chicago ou Boston, où des figures progressistes ont émergé face aux anciens barons locaux.
Une figure politique forgée par l’activisme et l’héritage familial
Né en Ouganda en 1991, Zohran Mamdani a grandi entre Le Cap, Kampala et New York. Il est le fils de deux figures majeures de l’intelligentsia mondiale. Son père, Mahmood Mamdani, est un universitaire spécialisé dans les questions postcoloniales, auteur de nombreux ouvrages sur les conflits africains. Sa mère, Mira Nair, est une cinéaste de renommée internationale, connue pour ses films Salaam Bombay!, Monsoon Wedding et The Namesake. Elle y explore les tensions identitaires, les rapports intergénérationnels et les dilemmes culturels dans les diasporas indiennes.

Ce double héritage a nourri chez Zohran une conscience politique précoce. Il s’intéresse très tôt aux luttes pour la décolonisation, aux droits des minorités et aux injustices systémiques. Après des études en études africaines au Bowdoin College, il s’engage dans les associations de quartier. Il devient conseiller en logement dans le Queens, aidant les familles menacées d’expulsion, confrontées à la gentrification.
En parallèle, il se fait connaître dans la scène artistique sous le pseudonyme de Cardamom. Il y raconte ses racines sud-asiatiques et ses convictions politiques. Cette versatilité reflète une nouvelle génération d’élus à l’aise dans l’engagement communautaire comme dans la création culturelle.
Une campagne virale et militante
En 2025, Mamdani lance une campagne municipale audacieuse. Il renonce aux codes traditionnels, s’adresse directement aux jeunes et aux classes populaires via les réseaux sociaux. TikTok devient son principal outil de mobilisation. Dans une vidéo virale, il plonge dans la baie de New York pour dénoncer les loyers glaciaux. Le geste marque les esprits.
Son programme repose sur des mesures concrètes : gratité des bus, gel des loyers, création d’épiceries publiques et taxation des hauts revenus. Il souhaite redonner une dignité de vie aux habitants du Queens, du Bronx et de Brooklyn. Le soutien d’Alexandria Ocasio-Cortez et de Bernie Sanders l’inscrit dans une dynamique nationale.
Une ligne politique clivante

La victoire de Mamdani met en lumière les tensions internes du Parti démocrate. D’un côté, les figures centristes misent sur la stabilité institutionnelle. De l’autre, une gauche radicale revendique une réorientation totale des politiques publiques. Mamdani incarne cette seconde voie. Il veut en finir avec la complaisance envers les puissances financières et propose une redistribution plus directe.
Sur la question palestinienne, il défend une ligne ferme. Il dénonce les exactions de Tsahal à Gaza et appelle à conditionner l’aide américaine au respect des droits humains. Cette position lui vaut des accusations d’antisionisme. Il répond en revendiquant un antiracisme universaliste.
Une bataille décisive à venir
En novembre, Mamdani affrontera Cuomo, qui se présente en indépendant, et probablement Eric Adams, actuel maire affaibli par des affaires judiciaires. Le rapport de forces reste incertain. Mamdani devra convaincre un électorat plus modéré, inquiets face à ses positions tranchées.
Le projet du jeune élu sera scruté. Son programme peut-il s’adapter à la complexité new-yorkaise ? Peut-il gouverner une métropole de 8 millions d’habitants sans coalition large ? Ces interrogations pèseront sur le débat public jusqu’au scrutin.
Une recomposition en marche

Quelle que soit l’issue du vote, Zohran Mamdani a redéfini le champ politique. Il incarne une Amérique jeune, plurielle, urbaine et désireuse de rupture. Par son style direct, sa biographie cosmopolite et son ancrage local, il incarne une gauche de terrain. De plus, il est capable de prendre le pouvoir.
Une personnalité singulière au service d’une politique de rupture
Zohran Mamdani n’est pas seulement une figure montante de la gauche new-yorkaise. Il incarne une manière nouvelle de faire de la politique. Son style est frontal, assumé, souvent provocateur. Mais il est toujours enraciné dans une vision éthique du pouvoir. Refusant les compromis creux, il plaide pour une vérité politique même lorsqu’elle divise.
Son langage est accessible. Il cite James Baldwin, Angela Davis ou Edward Said, mais s’exprime dans les mots de ses électeurs. Ce souci de clarté traduit une volonté : ramener la politique à hauteur d’humain. Son charisme tranquille, son aisance dans les médias comme dans les assemblées de quartier, forcent l’attention.
Sur le fond, Mamdani défend une société plus juste, où les richesses sont mieux redistribuées. Il milite pour la justice climatique, l’égalité d’accès au logement, l’éducation gratuite et inclusive. Il souhaite rompre avec le fétichisme des grandes entreprises. En outre, il veut redonner du pouvoir aux collectifs citoyens. Par ailleurs, remettre la planification au cœur de l’action municipale est également son objectif.
Son inspiration est claire : une gauche intersectionnelle, populaire et anticapitaliste. Mais sans dogmatisme. Il construit des ponts entre les luttes, sans chercher à les hiérarchiser. Il cite fréquemment sa mère pour souligner que la création artistique est un levier de transformation. Par ailleurs, la culture et l’imagination jouent aussi ce rôle selon elle.
Dans une époque désabusée, Zohran Mamdani apparaît comme un homme politique atypique : à la fois poétique, rigoureux et combatif. Une voix dissonante qui cherche moins à convaincre les puissants qu’à parler au nom de ceux qu’on écoute trop peu.