Le bilan des 100 jours de Trump entre virage radical et fracture assumée

Donald Trump lors de son retour à la présidence en janvier 2025, brandissant le drapeau américain sur fond de clivage politique intense

Donald Trump a officiellement repris la présidence des États-Unis le 20 janvier 2025, au terme d’une campagne électorale tendue et clivante. Cent jours plus tard, le pays paraît suivre une trajectoire inédite. En effet, cela va à l’encontre des principes de compromis. De plus, cela contredit la stabilité ayant régi l’ordre institutionnel américain depuis des décennies.

Dès son investiture, Trump a imposé un style de gouvernance direct, abrupt et sans concession. Il s’affranchit ostensiblement des usages diplomatiques, s’adresse davantage à sa base électorale conservatrice qu’à la nation tout entière et revendique un programme de rupture politique totale avec son prédécesseur, Joe Biden. Les rouages de la démocratie libérale sont bousculés. Parfois, ils sont même ignorés au profit d’un exécutif centralisateur. En outre, cet exécutif cherche à marginaliser toute forme de contre-pouvoir.

Melania et Donald Trump, peu après l'investiture de janvier 2025. Sous les ors de la Maison-Blanche, Melania Trump esquisse un sourire discret. En coulisse, elle aurait gagné plus d'influence, bien que farouchement silencieuse sur les bouleversements engagés par son époux.
Melania et Donald Trump, peu après l’investiture de janvier 2025. Sous les ors de la Maison-Blanche, Melania Trump esquisse un sourire discret. En coulisse, elle aurait gagné plus d’influence, bien que farouchement silencieuse sur les bouleversements engagés par son époux.

Croissance en berne et guerre commerciale relancée

Sur le front économique, les signaux sont alarmants. Le PIB des États-Unis s’est contracté de 0,3 % au premier trimestre 2025. En effet, cela marque un coup d’arrêt brutal après plusieurs années de croissance post-COVID. Cette dégradation s’explique notamment par une chute des exportations nettes, conséquence directe du relèvement unilatéral des droits de douane. Le président a en effet rétabli une politique protectionniste américaine. Celle-ci cible en priorité la Chine, mais aussi l’Union européenne et le Mexique.

Les marchés financiers réagissent avec frilosité. Les investissements étrangers ralentissent, les entreprises diffèrent leurs plans de recrutement, et le taux de chômage grimpe à 4,2 %. Le président réplique en insistant sur la désinflation et une reprise des emplois américains. Or, selon plusieurs analystes économiques, la baisse des prix observée en début d’année résulte de mesures mises en place sous l’administration Biden. En outre, certaines déclarations de Trump sur les prix de l’essence, du lait ou des œufs se sont avérées factuellement inexactes.

Santé : démantèlement en cours

Dans le domaine de la santé publique américaine, le virage est spectaculaire. En nommant Robert F. Kennedy Jr. à la tête du ministère de la Santé, Trump a choisi un profil controversé, connu pour ses prises de position anti-vaccins. Le nouveau ministre engage un nettoyage administratif d’ampleur : plus de 10 000 fonctionnaires licenciés. En outre, des agences sont fusionnées ou supprimées. Par ailleurs, le retrait officiel des États-Unis de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est annoncé.

Les coupes budgétaires visent en priorité les programmes de prévention sanitaire et d’accès aux soins. Le dispositif Medicaid, pivot de la couverture santé pour les plus démunis, se trouve amputé. Une commission présidentielle sur les maladies chroniques est créée, théoriquement chargée de penser la santé sur le long terme. Cependant, de nombreux experts médicaux y voient un instrument de propagande idéologique. Cela pourrait remettre en cause les fondements scientifiques de la politique sanitaire.

Éducation : croisée des chemins conservatrice

Le champ de l’éducation n’échappe pas à cette refondation conservatrice. Sous la direction de Linda McMahon, le ministère procède à des licenciements massifs. Cela touche notamment les services en charge de la diversité scolaire, de l’égalité des chances et de l’intégration étudiante. Les directives imposent la suppression des politiques de discrimination positive dans les universités publiques américaines.

J.D. Vance et Donald Trump, poignée de main programmatique. Ancien démocrate, le sénateur J.D. Vance, nouveau visage de l’aile populiste, incarne la relève trumpienne. Lors de cette rencontre, il aurait glissé :
J.D. Vance et Donald Trump, poignée de main programmatique. Ancien démocrate, le sénateur J.D. Vance, nouveau visage de l’aile populiste, incarne la relève trumpienne. Lors de cette rencontre, il aurait glissé : « Monsieur le Président, nous finirons ce que vous avez commencé. »

Les prêats étudiants sont soumis à de nouvelles conditions drastiques. Les plans de remboursement adaptés aux revenus sont suspendus, et les dossiers sont transférés à une agence para-étatique plus opaque. De nombreux jeunes, notamment les Afro-Américains et les étudiants de première génération, craignent de devoir renoncer à l’enseignement supérieur.

Justice : revanche et épuration

La justice fédérale américaine, pilier fondamental de l’équilibre des pouvoirs, est mise à rude épreuve. Donald Trump gracie les émeutiers du Capitole, coupables d’avoir investi le Congrès américain le 6 janvier 2021. Il fait expurger leurs casiers judiciaires et leur rend l’éligibilité.

Simultanément, les postes-clés du FBI et du Department of Justice (DOJ) sont confiés à des fidèles. Ces nominations provoquent une vague de démissions internes. Les enquêtes sur des faits de corruption politique ou d’abus de pouvoir sont suspendues sine die. Les programmes fédéraux de réforme de la police sont gelés. De plus, le discours gouvernemental tend à délégitimer les médias, les magistrats et les mouvements civiques.

Diplomatie : méfiance des alliés, réalignements stratégiques

Sur la scène internationale, le retour de Trump provoque stupeur et méfiance diplomatique. Il annonce le retrait américain de l’Accord de Paris. Ensuite, il met en cause la pertinence de l’OTAN. Enfin, il propose une nouvelle "entente pragmatique" avec la Russie de Vladimir Poutine. L’Ukraine voit fondre l’aide militaire promise. De plus, Volodymyr Zelensky est publiquement déconsidéré lors d’une conférence de presse commune.

Trump et Macron, négociation glaciale en marge du G7. Le cliché saisit une tension palpable. Emmanuel Macron aurait tenté de convaincre Trump de ne pas quitter l’OTAN. Le président américain, impassible, aurait évoqué
Trump et Macron, négociation glaciale en marge du G7. Le cliché saisit une tension palpable. Emmanuel Macron aurait tenté de convaincre Trump de ne pas quitter l’OTAN. Le président américain, impassible, aurait évoqué « un club trop cher pour un monde ingrat ».

Dans le même temps, la guerre commerciale avec la Chine est relancée. Les droits de douane atteignent 125 % sur certains produits stratégiques. Les exportations agricoles américaines souffrent de mesures de rétorsion. Le climat international se tend, et les chancelleries européennes appellent à la prudence diplomatique et à une autonomie stratégique accrue.

Environnement : régression assumée

Le virage écologique initié sous Biden est brutalement stoppé. Trump autorise la reprise de la prospection pétrolière en Arctique. En outre, il supprime les normes environnementales fédérales instaurées en 2021. Il met également fin aux incitations à l’achat de véhicules électriques.

Selon certains conseillers, durant l'entretien entre Trump et Poutine en mars 2025, le président américain aurait parlé davantage. Par ailleurs, il n’a pas beaucoup écouté — et il a raccroché avec un sourire.
Selon certains conseillers, durant l’entretien entre Trump et Poutine en mars 2025, le président américain aurait parlé davantage. Par ailleurs, il n’a pas beaucoup écouté — et il a raccroché avec un sourire.

Le démantèlement de la loi Inflation Reduction Act est un pilier du virage énergétique américain. En conséquence, cela entraîne la suspension de dizaines de projets de transition écologique. Les ONG environnementales parlent de "retour à l’âge fossile". Certaines administrations locales, comme la Californie, poursuivent leurs propres politiques, en résistance climatique ouverte à Washington.

Communication et stratégie politique : un pouvoir personnalisé

Le style trumpien reste inchangé : tweets matinaux, discours enflammés, événements spectaculaires. Il gouverne par à-coups, à coup de décrets exécutifs présidentiels, contournant systématiquement le Congrès des États-Unis.

Le Parti républicain, longtemps divisé, se montre désormais largement aligné. Les voix dissidentes sont écartées. L’opposition démocrate peine à faire entendre un contre-récit politique audible. Trump mise sur la mobilisation électorale permanente et utilise un vocabulaire de guerre culturelle. De plus, il construit progressivement un pouvoir personnalisé, fondé sur la loyauté politique plutôt que sur l’efficacité administrative.

Les États-Unis face à eux-mêmes

Cent jours après le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, les États-Unis semblent plongés dans un moment de bascule historique. Si certains y voient une reprise en main autoritaire face à la "bureaucratie dévoyée", d’autres dénoncent un affaiblissement des contre-pouvoirs, une polarisation institutionnalisée, et une remise en cause des principes fondamentaux de la démocratie américaine.

Le pays est à la croisée des chemins politiques. Il reste à savoir si cette fracture est conjoncturelle ou si elle signe une métamorphose durable du leadership mondial américain.