
Le vendredi 23 mai, Donald Trump a surpris en annonçant une possible augmentation de 25 % des droits de douane. En effet, cette hausse concernerait les iPhone fabriqués à l’extérieur des États-Unis. Cette prise de position, publiée sur Truth Social, vise directement Apple, entreprise emblématique de la puissance technologique américaine. En réaction, le cours de l’action Apple a reculé de 2,5 % en avant-Bourse.
Trump affirme avoir informé Tim Cook, le PDG d’Apple, de cette exigence. Selon lui, les iPhone vendus sur le territoire américain doivent être assemblés aux États-Unis, et non en Inde ou ailleurs. Cette annonce s’accompagne d’une menace explicite : imposer 50 % de droits de douane sur les importations européennes dès le 1er juin. L’ex-président accuse l’Union européenne de pratiques commerciales injustes à l’encontre des intérêts américains.

Une tactique électorale populiste et calculée
Ces menaces ne relèvent pas uniquement de la politique commerciale. Elles répondent à une logique électorale claire. En pleine campagne pour la présidentielle de 2024, Donald Trump cherche à reconquérir l’Amérique industrielle. Il s’adresse à une classe ouvrière fragilisée par la mondialisation et à des électeurs indécis dans les États stratégiques du Midwest.
Ainsi, en ciblant Apple, il fait d’une multinationale américaine le symbole d’une économie mondialisée qu’il juge défaillante. La marque incarne à la fois l’innovation et la dépendance critique aux chaînes d’approvisionnement asiatiques. En opposant cette situation à un idéal d’iPhone “made in USA”, Trump alimente une narration souverainiste séduisante mais difficilement réalisable sans bouleverser l’ensemble du secteur technologique.

Des fondements juridiques discutables
Trump envisage d’invoquer l’article 232 du Trade Expansion Act ou l’article 301 du Trade Act, comme il l’avait fait durant son premier mandat. Ces instruments instaurent des droits de douane pour raisons de sécurité nationale. Par ailleurs, ils réagissent à des pratiques commerciales jugées déloyales.
Cependant, ces mesures soulèvent des objections juridiques sérieuses au sein de l’OMC. Elles enfreindraient notamment la clause de la nation la plus favorisée, qui impose un traitement équitable à tous les membres. De plus, elles obligeraient Washington à offrir des compensations commerciales. Enfin, aucune disposition légale américaine ne permet de cibler une entreprise spécifique comme Apple, sauf justification exceptionnelle.
L’Europe et la Chine en ordre de bataille
L’Union européenne a rapidement réagi aux déclarations de Trump. Bruxelles a mentionné la mise en œuvre de contre-mesures visant les secteurs financiers et numériques américains. En effet, les États-Unis affichent des excédents structurels dans ces secteurs. La Chine, de son côté, a déjà prouvé sa capacité de rétorsion entre 2018 et 2019, notamment en frappant les exportations agricoles américaines, pilier électoral de Trump.

Ces représailles pourraient provoquer un effet boomerang pour l’économie américaine. Les entreprises dépendantes de composants importés ou de débouchés internationaux seraient particulièrement vulnérables. À terme, ce type de stratégie pourrait affaiblir la compétitivité globale des États-Unis sur la scène mondiale.
Une politique commerciale à l’efficacité contestée
Les droits de douane ne s’attaquent pas aux causes profondes du déficit commercial américain. Celui-ci résulte davantage d’un déséquilibre macroéconomique entre consommation intérieure, taux d’épargne et déficit public. Malgré les hausses tarifaires mises en place entre 2016 et 2020, le déficit a continué de croître. En conséquence, il a atteint 1 200 milliards de dollars en 2024, un record historique.
Par ailleurs, cette approche renforce l’incertitude économique. Les entreprises hésitent à investir face à des règles commerciales mouvantes. Les partenaires internationaux doutent de la stabilité juridique et diplomatique des États-Unis. Par conséquent, cela nuit à leur capacité de négociation dans les forums multilatéraux comme l’OMC ou le G20.
Apple face à un chantage industriel
Aujourd’hui, la majorité des iPhone destinés au marché américain est produite en Inde. En effet, cela s’inscrit dans une stratégie de diversification post-COVID. Toutefois, les composants restent massivement issus de fournisseurs asiatiques. Un droit de douane de 25 % sur ces téléphones nuirait à Apple, aux distributeurs et aux consommateurs américains. De plus, cela ne créerait pas d’emplois significatifs aux États-Unis.
De plus, une telle mesure risquerait d’alimenter l’inflation, déjà sous surveillance de la Réserve fédérale. L’effet final pourrait être un renchérissement général des produits technologiques, aggravant les tensions sur le pouvoir d’achat.
Un contentieux transatlantique difficile à gérer
Le différend commercial entre les États-Unis et l’Union européenne ne date pas d’hier. Trump reproche à l’Europe de bénéficier d’un accès privilégié au marché américain. Pourtant, les données sont controversées. Le déficit commercial bilatéral est évalué à 235 milliards de dollars par l’USTR, mais seulement à 150 milliards d’euros selon la Commission européenne.
En réalité, les services américains – notamment dans les domaines financiers, juridiques et numériques – dégagent un excédent vis-à-vis de l’UE. En cas d’escalade, Bruxelles pourrait cibler des secteurs sensibles comme le cloud computing, les plateformes numériques ou les services bancaires. Mais les divisions entre États membres rendent une réponse rapide et coordonnée difficile.
Une diplomatie économique à haut risque
Au fond, Donald Trump instrumentalise les droits de douane comme levier de négociation politique. Il espère obtenir des concessions commerciales sans déclencher une guerre ouverte. Cependant, sa méthode repose sur des bases juridiques fragiles, une stratégie économique peu convaincante et une posture diplomatique imprévisible.
Ce style transactionnel a déjà affaibli la position américaine dans les négociations internationales. Il alimente la méfiance des alliés traditionnels. De plus, il offre un terrain favorable à la montée en puissance de rivaux comme la Chine ou l’Inde.
Une vision du commerce à contre-courant
La majorité des économies développées misent sur des accords multilatéraux. Cependant, Trump continue de défendre une vision protectionniste et unilatérale du commerce mondial. Cette approche pourrait séduire une base électorale nostalgique d’une époque révolue. Mais elle risque aussi de replier les États-Unis sur eux-mêmes, au détriment de leur influence et de leur prospérité future.