
Au Mans, les 3–5 octobre 2025, Squeezie, alias Lucas Hauchard, a refermé le chapitre GP Explorer avec la ‘Last Race’ du GP Explorer 3 millimétrée : 24 créateurs en F4, 80 000 spectateurs sur le Circuit Bugatti (Le Mans 2025), un pic à 1,4 million sur Twitch et 1,2 million sur France 2. Karchez s’impose. Côté billetterie, l’engouement s’est confirmé, signe d’un événement devenu institution. Au-delà de la course, un passage de relais : du web à l’institution, d’un cycle achevé à un avenir ouvert.
Au Mans, un adieu en grand format qui réunit terrain et écrans
Le vrombissement a roulé comme une rumeur heureuse sur le Circuit Bugatti du Mans. Pendant ce temps, le week-end s’ouvrait du 3 au 5 octobre 2025s. Pour cette dernière, Squeezie a tenu son pari : faire converger l’élan d’Internet et la ferveur d’une foule bien réelle. 80 000 spectateurs ont pris place dans les tribunes et au bord de la piste. En ligne, le flux a culminé à 1,4 million de spectateurs simultanés sur Twitch, record français égalé puis dépassé de justesse. La télévision publique a, elle aussi, pris rendez-vous : France 2 a diffusé la finale, rassemblant 1,2 million de téléspectateurs pour 10,8 % de part d’audience. La grande course s’est élancée dimanche 5 octobre à 17 h 50, sa dramaturgie calée à la seconde, jusque dans l’embrasement du podium.
Ce qui s’est joué au Mans tient à bien plus qu’un défi logistique. Le GP Explorer a clos son histoire en offrant une image parfaitement composée du présent médiatique : des créateurs devenus pilotes, des artistes sur scène, des écrans partout, et cette sensation d’appartenir au même récit malgré la dispersion des formats.

Lucas Hauchard, la montée en gamme d’un raconteur d’images
On connaît Squeezie, de son nom civil Lucas Hauchard, pour sa trajectoire fulgurante sur YouTube. On le mesure désormais à l’aune d’une autre compétence : la direction artistique d’événements totaux. En trois ans, il a transformé une idée un peu folle en rituel populaire. À force d’itérations, de cadrages, d’ajustements, il a fait de The Last Race l’achèvement d’un cycle et le miroir d’une maturité. On retrouve chez lui le goût du dispositif millimétré et des histoires simples qui se plient à la grande scène. Il n’a pas seulement réuni des vedettes du web ; il a su leur donner un terrain commun, des règles claires, un enjeu visible, une économie de la performance.
L’homme, qui avance en souriant et en prudent stratège, n’a pas cédé au folklore du dernier concert. Il a tenu une ligne esthétique, épurée, presque classique. Chaque plan, chaque transition, chaque montée de son semblait répondre à une même volonté : raconter une fin avec douceur, déposer un souvenir, ouvrir une porte.
Une mécanique de haute précision, calibrée pour le spectacle
Dans le paddock, l’organisation se lisait au cordeau. Vingt-quatre créateurs ont été formés au pilotage Formule 4 afin de garantir un niveau homogène et une sécurité irréprochable. Les caméras embarquées, le relais en régie, la scénographie lumineuse, les fondus sur la foule : tout participait d’un geste technique assumé. La production affichait un budget estimé à 10 millions d’euros, montant avancé par plusieurs observateurs. Toutefois, ce chiffre est à considérer avec prudence car il n’a pas été confirmé officiellement. On a senti la main d’équipes professionnelles aguerries. En effet, un réseau d’ingénieurs du son, de cadreurs, de régisseurs et de coordinateurs a été mobilisé. Cette mobilisation a contribué à la réussite du projet. Ces professionnels signent, dans l’ombre, la réussite d’un direct.
Le plateau partenaire impressionnait par son ampleur. Près d’une cinquantaine de marques ont rejoint le dispositif. Elles sont visibles sur les livrées des monoplaces et dans l’écosystème du site. Les stands officiels et la billetterie ont été pris d’assaut dès le samedi, au point de provoquer des ruptures au merchandising. Au micro, Doigby tenait le rythme et la chaleur, voix reconnaissable entre toutes, tandis que les réseaux sociaux vibraient à l’unisson. Le spectacle dépassait la course par l’empilement des signes : concerts, apparitions, montées de scène, codes du rap et de l’esport accommodés à la même sauce panoramique.
À la corde, une dramaturgie sportive claire et généreuse
La piste a parlé avec sa franchise coutumière. Karchez, youtubeur et streamer espagnol, a pris l’ascendant au terme d’une finale menée sans trembler. Kaatsup a saisi la deuxième place, Maxime Biaggi la troisième, dans un trio qui résume assez bien l’esprit de l’événement : l’exigence sportive, la bienveillance rivale, la joie des trajectoires propres. Autour d’eux, la grille présentait un casting qui dit beaucoup de l’époque : Léa Elui, Maghla, Baghera, Gotaga, SCH, PLK, Théodort, Mister V, Djilsi, Cocotte (YouTube), et tant d’autres habitués des écrans à domicile, arrachés pour un jour à la fixité des webcams.
On n’a pas vu une parodie de Grand Prix mais un récit rythmé, avec ses relances, ses erreurs, ses dépassements propres. Les F4 ont offert un théâtre à hauteur d’amateur éclairé : suffisamment rapides pour impressionner, suffisamment contrôlables pour raconter autre chose que la peur.
L’institution en renfort, ou comment la télévision a rejoint le bal
Que France 2 se soit invitée à la fête change la valeur de l’image. La chaîne publique a trouvé dans The Last Race un vecteur pour attirer un public plus jeune et connecté. Le signal ne trompe pas : l’audiovisuel historique, si souvent décrit comme hors jeu, sait encore jouer des alliances et des événements fédérateurs. Le pari consistait à traduire une écriture de plateforme dans un cadre linéaire. À l’écran, le compromis a fonctionné : une réalisation qui garde le nerf de Twitch et une narration télé qui pose, explique, contextualise.
L’événement dépasse ainsi le strict divertissement. Il devient une preuve de concept. L’Internet francophone produit des formats exportables et compatibles avec les grandes machines publiques. Ces formats sont capables d’agréger des parts d’audience substantielles. On a vu passer sur le ruban des interventions. Celles-ci mêlaient la grammaire de la story et la ponctuation de la télévision. Les deux mondes, longtemps présentés comme ennemis, ont partagé la même piste.
Squeezie devant sa foule, l’émotion tenue d’un au revoir
Au terme de la journée, Squeezie a pris la parole. Quelques mots, pas davantage, et l’on a compris que la ‘Last Race’ n’était pas un cliffhanger mais une décision mûre. Il a remercié, beaucoup, rappelé l’ambition de départ, les doutes, les nuits sans sommeil. Il a glissé cette formule, devenue refrain : « Je suis fier de ce qu’on a réussi à faire ». La phrase, simple et droite, valait signature. On n’a pas cherché à surjouer les larmes. L’émotion restait au-dessus de la ligne blanche, nette, contenue, digne.
Il y avait, dans cet adieu, quelque chose comme l’affirmation d’un style. Celui d’un créateur qui sait quand refermer une page pour que l’histoire garde sa tenue. L’arrêt volontaire, annoncé, assumé, protège le souvenir. Il rappelle que la culture web sait produire des cycles courts, intenses, mémorables, sans dépendre des saisons à rallonge.

D’un format pionnier à un passage de témoin
GP Explorer a servi de laboratoire. GP Explorer 1 et GP Explorer 2 ont installé le décor et éprouvé la formule, entre records d’audience et mise au point de la sécurité. Cette troisième a validé l’hypothèse qui hantait les coulisses : la création numérique française peut franchir le seuil de l’institution sans y perdre sa vivacité. On chuchote déjà d’autres rendez-vous, d’autres fictions de plateau, d’autres formes sportives hybrides. Rien n’oblige Squeezie à se cramponner au volant. Il est probable qu’on le retrouve sur d’autres terrains d’invention, là où s’écrit la prochaine convergence. Cette convergence se situe entre streaming, musique et scène.
On l’aura compris : The Last Race ne se lit pas comme une capitulation, mais comme la mise à niveau d’un récit personnel. Squeezie sort vainqueur d’un pari où beaucoup l’attendaient. Il a réuni des créateurs formés, des artistes et des techniciens autour d’une promesse tenue. Il a offert à une jeunesse connectée une expérience commune, de celles qui se racontent longtemps après la fin des feux.

La scène, les coulisses, la suite
Il resterait à écrire la fabrication du bruit. On pourrait s’attarder sur le mixage qui épouse la violence des moteurs sans écraser les voix. On pourrait raconter le travail patient des entraîneurs qui ont traduit la théorie en gestes mesurés. On pourrait détailler la sécurité renforcée et les procédures qui accompagnent chaque départ. Tout cela importe parce que l’événement a gagné sa stature par la qualité des invisibles.
Les concerts ont complété la proposition, non comme un supplément d’âme mais comme un autre mouvement de la même symphonie. Le soir, la scène redessinait l’espace, la piste devenait une arrière-coulisse, et la communauté se reformait autrement, autour de refrains et d’images. Le public a suivi la ligne sans décrocher. Cela prouve que la promesse d’un week-end total pouvait tenir. Ce week-end s’étendait sur vingt-quatre heures élargies.
Un pont entre cultures, signé au Mans
Au Mans, Internet et service public ont cessé de s’observer. Twitch et France 2 ont parlé la même langue, l’une en direct foisonnant, l’autre en récit linéaire. Les 80 000 présents au Circuit Bugatti forment une partie de la même foule éclatée dans les usages. De plus, le pic de 1,4 million en ligne et les 1,2 million devant la télévision complètent cette foule. Toutefois, tous sont rassemblés par une histoire claire.
Ces chiffres importent parce qu’ils consacrent une méthode. En trois éditions, Squeezie a fait passer un format né sur YouTube à une reconnaissance institutionnelle sans renoncer à son tempo. La ‘Last Race’ prouve qu’un projet issu du web peut se conclure proprement, avec des règles assumées, une exigence sportive réelle et une mise en scène maîtrisée.
Squeezie a choisi la fin pour mieux préserver la forme. Ce retrait n’a rien d’une fatigue. C’est un geste d’auteur : fermer la boucle, transmettre l’outil, laisser les suites à d’autres mains. Le classement consacre Karchez (1er), Kaatsup (2e) et Maxime Biaggi (3e), symbole d’une exigence sportive joyeuse. Eux appartiennent à l’instant. Lui s’attache au cadre, à ce qui permet aux instants d’exister.
On quitte la piste avec une conviction simple : la trilogie est terminée et l’histoire continue ailleurs. La ‘Last Race’ achève un cycle, mais elle ouvre à Lucas Hauchard un territoire plus large, où l’on fabrique des images qui rassemblent. Au Mans, il a posé un point final net. Il ressemble à une ligne de départ.