
Dévoilée le 22 mai 2025 sur Netflix, Sirens s’est imposée en tête des contenus les plus regardés de la plateforme. Créée par Molly Smith Metzler, autrice américaine reconnue pour son engagement féministe et sa plume acérée (Maid), la mini-série adapte sa pièce Elemeno Pea. Le récit se déploie en cinq épisodes intenses sur une île privée appartenant à un couple de milliardaires new-yorkais.
Dans ce huis clos au luxe étouffant, les tensions sociales se tissent avec une précision clinique. Par ailleurs, les conflits de genre et les douleurs familiales s’entremêlent également dans cet environnement. Sirens interroge l’emprise, la fragilité des statuts sociaux et les stratégies de survie des femmes dans un monde dominé par les apparences.
Une trame féminine portée par un trio magnétique

Le fil narratif repose sur trois personnages féminins. Julianne Moore interprète Michaela Kell, une philanthrope redoutable à la tête d’un sanctuaire ornithologique. Mariée à un homme d’affaires froid et stratège, elle impose son autorité par des méthodes aussi douces que perverses.
Meghann Fahy incarne Devon DeWitt, trentenaire blessée par la maladie de son père et des désillusions sentimentales. Elle rejoint sa sœur sur l’île avec l’espoir de l’éloigner de ce monde illusoire.
Simone, jouée par Milly Alcock, jeune domestique montée des quartiers pauvres, découvre la douceur trompeuse de la haute société. Elle se laisse d’abord envoûter, puis prend peu à peu conscience de ses propres armes.
Portraits approfondis des acteurs principaux

Julianne Moore, née en 1960 en Caroline du Nord, est l’une des figures majeures du cinéma indépendant américain. Lauréate de l’Oscar de la meilleure actrice pour Still Alice en 2015, elle s’est illustrée dans des rôles complexes (Magnolia, Far from Heaven, Safe). Dans Sirens, elle crée un personnage trouble, inspiré par les grandes figures matriarcales de la tragédie classique. Michaela fascine par sa dualité : stratège mais blessée, tyrannique mais sincère dans ses aspirations humanistes.
Meghann Fahy, née en 1990 dans le Massachusetts, s’est fait connaître avec la série The Bold Type avant de créer la surprise dans la saison 2 de The White Lotus où elle campait une femme à la fois banale et insaisissable. Elle donne à Devon une vulnérabilité vibrante, qui devient le fil conducteur émotionnel de la série. Son jeu, tout en silences, restitue les ravages de la dépendance affective et de la mélancolie sociale.
Milly Alcock, révélée en 2022 dans le rôle de la jeune Rhaenyra Targaryen dans House of the Dragon, est l’une des comédiennes les plus prometteuses de sa génération. Née à Sydney en 2000, elle explore dans Sirens les zones d’ombre d’une ascension sociale brutale. Simone, à la fois rebelle et influençable, cristallise les contradictions d’une féminité moderne tiraillée entre soumission et réinvention.
Kevin Bacon, acteur prolifique depuis les années 1980, retrouve ici un rôle de prédateur dissimulé sous des dehors affables. Connu pour Footloose, Mystic River ou The Following, il incarne Peter Kell, un mari glaçant dont la bienveillance n’est qu’un masque. Sa présence inquiète, son absence hante.
Une narration fragmentée et audacieuse
La mini-série opte pour une structure narrative non linéaire. Chaque épisode, réalisé par un metteur en scène différent, adopte un ton visuel propre. Cette fragmentation renforce la sensation d’éclatement identitaire chez les protagonistes.
Les ruptures de rythme, les ellipses abruptes et les champs-contrechamps déséquilibrés reflètent les zones floues de la perception. Le spectateur est contraint de s’adapter, de douter, à l’image des héroïnes.
L’ultime épisode, au symbolisme marqué, voit Simone prendre le pouvoir. Elle devient la gardienne de l’île, alors que Devon retourne vers la fragilité du réel. Michaela s’efface, entre défaite intime et soulagement libérateur.
Une critique sociale féministe et nuancée
Sirens s’inscrit dans la lignée des grandes fresques contemporaines sur le pouvoir féminin, aux côtés de Big Little Lies ou Succession. Elle aborde de façon frontale les rapports de classe, les luttes de genre et les ambiguïtés morales.
Les personnages féminins, loin d’être figés, évoluent dans des zones grises. Michaela, Devon et Simone incarnent trois trajectoires possibles face à la violence symbolique du patriarcat : la domination consentie, la fuite désabusée et l’usurpation audacieuse.
La série convoque également le mythe des sirènes, figures hybrides entre attraction et dévoration. Ici, elles ne chantent plus pour perdre les hommes, mais pour retrouver leur voix.
Une saison 2 pour approfondir les enjeux de Sirens ?
Bien que conçue comme une mini-série, Sirens laisse volontairement plusieurs fils ouverts. La créatrice a déclaré en interview être "intéressée par une suite si elle permet d’explorer les dérives du pouvoir féminin". Les actrices principales se disent prêtes à reprendre leur rôle.
Une deuxième saison pourrait s’intéresser aux conséquences de la prise de pouvoir de Simone, mais aussi approfondir les transformations de Michaela et les retrouvailles familiales de Devon. Le format anthologique, en constante mutation, pourrait s’adapter à une exploration plus vaste des rapports femmes / pouvoir.
Une fiction sociale au souffle littéraire
Sirens est plus qu’une série. C’est une allégorie contemporaine, un laboratoire narratif où la psychologie s’affronte aux structures sociales. Elle s’adresse à un public exigeant, friand d’œuvres denses, à la croisiée du thriller et de l’étude sociale.
La mini-série est disponible sur Netflix. Elle s’adresse à ceux qui cherchent dans la fiction une lecture critique de notre monde. Un récit en miroir, puissant et éloquent.