Profanation de sépulture à Bagneux : la République répond par l’hommage à Robert Badinter

Robert Badinter, visage de la justice humaniste. L’avocat qui fit abolir la peine de mort, au service d’une République de droit.

Quelques heures avant la panthéonisation de Robert Badinter, la tombe de Robert Badinter a été profanée et taguée au cimetière parisien de Bagneux, jeudi 9 octobre 2025. L’attaque visait ses luttes contre la peine de mort et pour la dépénalisation de l’homosexualité. Elle a aussitôt entraîné des condamnations officielles. Emmanuel Macron maintient l’hommage au Panthéon, où la Nation entend répondre, par la loi et le rituel, à la profanation.

Les faits au cimetière de Bagneux, sans emphase inutile

La tombe de Robert Badinter a été victime d’un vandalisme de tombe quelques heures avant la cérémonie, le 9 octobre 2025 au cimetière parisien de Bagneux (Hauts-de-Seine). Des graffitis sur la tombe de Robert Badinter ont visé la mémoire de l’ancien garde des Sceaux et l’un de ses legs les plus connus : l’abolition de la peine de mort. Selon les premières confirmations de la mairie et du parquet, une enquête pour profanation de sépulture a commencé. Elle a été formellement ouverte par le parquet. La cérémonie nationale d’hommage au Panthéon a été maintenue le soir même, à Paris 5ᵉ, comme prévu.

La tombe de Robert Badinter, au cimetière de Bagneux, a été profanée — un geste ignoble qui a soulevé l’indignation bien au-delà des frontières françaises. Le Président de la République a condamné cet acte abject, aussitôt suivi d’une restauration rapide du monument funéraire, rendu à sa dignité.
La tombe de Robert Badinter, au cimetière de Bagneux, a été profanée — un geste ignoble qui a soulevé l’indignation bien au-delà des frontières françaises. Le Président de la République a condamné cet acte abject, aussitôt suivi d’une restauration rapide du monument funéraire, rendu à sa dignité.

Dans un message publié sur les réseaux sociaux, Emmanuel Macron a condamné l’attaque : « Honte à ceux qui ont voulu souiller sa mémoire… La République est toujours plus forte que la haine ». La formule, volontairement sobre, fixe le cadre de la journée : ne pas céder à la provocation, et opposer à la dégradation la force calme de la loi et du rite républicain.

Le cadre juridique : la loi protège nos défunts

La profanation de sépulture est un délit. Le Code pénal (art. 225-17) prévoit un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende pour « la violation ou la profanation, par quelque moyen que ce soit, de tombeaux, de sépultures, d’urnes cinéraires ou de monuments édifiés à la mémoire des morts ». En cas d’atteinte au cadavre, la peine atteint deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende. Le rappel du texte vaut avertissement : l’enquête suit son cours, la présomption d’innocence s’impose, et les poursuites, le cas échéant, appartiendront aux magistrats.

À lire : Article 225-17 du Code pénal.

Panthéonisation : chronologie d’une journée sous tension

9 octobre 2025, quelques heures avant la cérémonie. La dégradation est signalée par la mairie de Bagneux. La pierre tombale est taguée de mentions hostiles visant les combats de Robert Badinter, notamment l’abolition de la peine capitale et la dépénalisation de l’homosexualité. Les qualifications précises, la formulation exacte des inscriptions et leur interprétation restent à documenter : plusieurs médias rapportent des variantes. Prudence, donc.

9 octobre 2025, après-midi. Les réactions politiques se succèdent. Marie-Hélène Amiable, maire PCF de Bagneux, dénonce un « acte lâche ». À Paris, Anne Hidalgo annonce un signalement au parquet. D’autres responsables politiques condamnent également la profanation. Au Palais de l’Élysée, l’entourage du Président confirme que la panthéonisation de Robert Badinter au Panthéon est maintenue.

9 octobre 2025, 17 h 30 (CEST). Accueil du public rue Soufflot, au pied du Panthéon. L’organisation relève du Centre des monuments nationaux. La cérémonie commence à 18 h 30, en présence d’Emmanuel Macron, et comporte les usages d’un hommage solennel de la Nation : entrée du drapeau, musiques, textes, et cénotaphe consacré à Robert Badinter (le corps demeure inhumé à Bagneux).

Informations pratiques officielles : Hommage solennel au Panthéon.

Robert Badinter pour les plus jeunes

Robert Badinter (1928-2024), avocat, professeur de droit, ministre de la Justice de 1981 à 1986, puis président du Conseil constitutionnel (1986-1995), laisse une œuvre humaniste et républicaine. Il a présenté, au nom du gouvernement de François Mitterrand, la loi du 9 octobre 1981. Cette loi abolissait la peine de mort en France. Il a soutenu la dépénalisation de l’homosexualité en 1982, défendant la réinsertion et la dignité des détenus. De plus, il a promu une justice plus protectrice des libertés.

Badinter en 2007, au cœur du combat contre la peine capitale. Une voix ferme, une pédagogie du droit.
Badinter en 2007, au cœur du combat contre la peine capitale. Une voix ferme, une pédagogie du droit.

Homme de verbe et de droit, il a marqué l’Assemblée nationale par sa plaidoirie abolitionniste en septembre 1981. En outre, ce discours est devenu un texte référence de la culture civique. Au Conseil constitutionnel, il a présidé à des décisions majeures pour l’État de droit. Jusqu’à un âge avancé, il a poursuivi une activité d’écriture et de débat, fidèle à une éthique faite de mesure et de fermeté.

Un symbole visé, une République rassemblée

La profanation vise plus qu’une pierre : elle tente d’atteindre un symbole. L’attaque porte sur ce que Robert Badinter incarne dans l’imaginaire républicain : la primauté du droit sur la violence, l’évolution des mœurs par la loi, la protection des minorités par la norme commune. En répondant par l’hommage, la République redit le contrat qui la fonde : la liberté, l’égalité, la fraternité, garanties par les institutions.

Manifestation pour droits et dignité. Des luttes moins connues, fidèles à l’éthique Badinter : convaincre, protéger, rassembler.
Manifestation pour droits et dignité. Des luttes moins connues, fidèles à l’éthique Badinter : convaincre, protéger, rassembler.

La journée du 9 octobre adopte ainsi une cohérence singulière. Quarante-quatre ans jour pour jour après l’abolition de la peine capitale (1981), la Nation inscrit au Panthéon le nom de celui qui porta ce combat. Le cénotaphe – choix assumé de ne pas déplacer la dépouille – associe mémoire et discrétion. Il témoignera par des objets choisis (toge, textes, livres) de l’intelligence et de la sobriété d’un parcours.

Enquête et responsabilités : ce que l’on sait, ce qui reste à établir

Au parquet de Nanterre, l’enquête ouverte devra déterminer les circonstances, les motivations et les responsabilités. Les éléments matériels (peinture, supports, éventuelles images de vidéosurveillance) devront être exploités. Les témoignages recueillis permettront de préciser le créneau horaire et la logistique des auteurs. À ce stade, aucune revendication authentifiée n’a été officiellement reconnue.

La qualification pénale (art. 225-17) est claire ; le mobile, lui, peut rester flottant tant que les investigations n’ont pas abouti. Les spéculations sont à proscrire. L’affaire rappelle néanmoins un durcissement des tensions autour des symboles publics : élus pris à partie, monuments visés, séquences mémorielles perturbées. Le droit pénal offre des réponses ; la vigilance citoyenne, elle, est le premier rempart.

Réactions politiques et civiques

Les condamnations ont été transpartisanes. Emmanuel Macron a repris une rhétorique de fermeté ; Anne Hidalgo et Marie-Hélène Amiable ont également condamné une atteinte à la mémoire d’un grand serviteur de l’État.

Au centre d’un rassemblement contre la peine capitale. Engagement constant, du barreau à la tribune, pour la dignité humaine.
Au centre d’un rassemblement contre la peine capitale. Engagement constant, du barreau à la tribune, pour la dignité humaine.

Au-delà des mots, l’hommage public au Panthéon agit comme un rituel de réparation : il restaure symboliquement ce que la dégradation a voulu avilir. Les citoyens présents, anonymes, étudiants en droit, magistrats, enseignants, anciens détenus parfois, donnent à cette restitution un visage et une voix.

Un héritage pour toute une nation

La peine de mort est abolie en France depuis 1981, et son interdiction a été constitutionnalisée (2007). La jurisprudence européenne a consolidé cette évolution. L’héritage de Robert Badinter se lit aussi dans la dépénalisation de l’homosexualité (1982), dans une pénologie plus attentive à la dignité des personnes, et dans la pédagogie civique qui entoure ces réformes. En 2025, ces acquis demeurent contestés dans le monde ; en France, ils font l’objet de commémorations et d’un consensus qui n’exclut pas le débat.

Élisabeth Badinter se positionne en gardienne exigeante de l'héritage de son légendaire conjoint au délà des polémiques sur ses prises de position personnelle
Élisabeth Badinter se positionne en gardienne exigeante de l’héritage de son légendaire conjoint au délà des polémiques sur ses prises de position personnelle

Dans le sillage de la panthéonisation, le Panthéon annonce une programmation et des dispositifs de médiation pour prolonger l’hommage : retransmissions, conférences, et ouverture élargie au public dans les jours suivants.

À noter : informations pratiques et retransmission, sur le site du Panthéon et sur les canaux de l’Élysée.

Éthique d’un récit national

L’épisode du 9 octobre illustre une épreuve récurrente pour la vie publique : des actes de vandalisme cherchent à polariser le débat. La réponse républicaine consiste à nommer le fait, appliquer la loi, déployer les rites qui unissent. Robert Badinter refusait les anathèmes ; il préférait argumenter et convaincre. L’autorité de son exemple tient moins au prestige des fonctions qu’à la cohérence entre ses principes et ses actes.

Dans la pierre du Panthéon, comme dans la poussière d’un cimetière municipal, la même idée doit valoir : nul ne gagne à humilier les morts. La loi protège leur mémoire. La Cité honore ceux qui lui ont permis de se défaire de la violence légale. À l’injure, il est sage d’opposer le droit. À la souillure, la dignité. Et à l’outrage, ce silence habité que portent, au soir, les marches du Panthéon.

Cet article a été rédigé par Christian Pierre.