Philippe Labro, une longue vie au service du verbe et de l’image

Le journaliste et cinéaste Philippe Labro, figure majeure de la culture française, est décédé à l'âge de 88 ans

Philippe Labro est mort le 4 juin 2025, à l’âge de 88 ans. Le même jour que Nicole Croisille, autre figure marquante de la scène culturelle française. Une coïncidence émouvante pour ceux qui suivent de près les destins croqués par la culture populaire. Mais c’est à Montauban, où il naquit en 1936, que commence le parcours d’un homme aux mille vies. Dès l’enfance, il rêve d’écrire. Ses parents, reconnus Justes parmi les nations, lui transmettent une rigueur morale et un goût de l’engagement. Dans cette famille méridionale, les mots comptent, les actes aussi.

Élève moyen mais passionné, Labro développe très jeune une fascination pour les États-Unis. En 1954, grâce à une bourse Fulbright, il embarque sur le Queen Mary et découvre une Amérique multiple, fascinante et parfois contradictoire. Il étudie à l’université de Washington and Lee, en Virginie. Ce voyage marque à jamais sa vision du monde. Il revient transformé, avec une chevalière aux armes de Lexington à l’annulaire, symbole d’un destin forgé à l’étranger. Il comprend que le journalisme ne se limite pas à relater : il faut aussi traduire les battements du monde.

Un reporter au cœur de l’Histoire contemporaine

De retour en France, il multiplie les tentatives pour percer dans la presse. Il collabore brièvement avec l’Agence France-Presse et le Figaro Littéraire. En 1959, Pierre Lazareff, légendaire patron de France-Soir, le repère et lui confie une biographie d’Al Capone. C’est le début d’une trajectoire qui le mènera sur les grands théâtres de l’actualité mondiale.

Avec Françoise Labro, sa compagne de toujours. Ce cliché rare montre un homme pudique, attaché à la fidélité et aux liens durables. Derrière le journaliste public, un esprit discret, qui cultivait le silence autant que la justesse des mots.
Avec Françoise Labro, sa compagne de toujours. Ce cliché rare montre un homme pudique, attaché à la fidélité et aux liens durables. Derrière le journaliste public, un esprit discret, qui cultivait le silence autant que la justesse des mots.

Durant les années 1960, Labro couvre l’actualité internationale avec un regard singulier. En 1963, il est à Dallas lors de l’assassinat de John F. Kennedy. Il assiste à la panique, interroge les témoins et livre un témoignage rare. Il deviendra l’un des rares journalistes français auditionnés par la commission Warren. Il publie plus tard On a tiré sur le Président, livre-enquête précis et dense, aujourd’hui encore cité.

En Algérie, au Vietnam, à Cuba, Labro observe le monde avec curiosité et distance critique. Il comprend très vite que l’objectivité pure n’existe pas. Mais la loyauté aux faits, elle, demeure. À 24 ans, il sait déjà que le journalisme, c’est écrire l’Histoire en direct.

Un cinéaste influencé par les codes américains

En parallèle de sa carrière de journaliste, Labro s’essaie au cinéma. En 1969, il réalise Tout peut arriver, un film initiatique librement inspiré de ses années d’études aux États-Unis. Le jeune Fabrice Luchini y fait ses débuts. Labro enchaîne avec des thrillers qui marqueront les années 1970 : Sans mobile apparent, L’Héritier, L’Alpagueur.

Toujours élégant, le jeune Philippe Labro se tient ici au cœur du tumulte médiatique. Derrière le regard franc, une éthique : celle du témoin lucide, qui préfère le terrain à l’analyse abstraite. Il savait capter l’instant tout en inscrivant ses récits dans le temps long.
Toujours élégant, le jeune Philippe Labro se tient ici au cœur du tumulte médiatique. Derrière le regard franc, une éthique : celle du témoin lucide, qui préfère le terrain à l’analyse abstraite. Il savait capter l’instant tout en inscrivant ses récits dans le temps long.

Il dirige Jean-Paul Belmondo, Jean-Louis Trintignant, Yves Montand, des figures masculines qu’il aime mettre en mouvement dans des intrigues mêalant polar, critique sociale et action politique. Ses films sont marqués par le souci du rythme, des dialogues tranchants et une mise en scène très graphique. Le cinéma américain, de Don Siegel à Sidney Lumet, constitue une référence constante.

Un homme de lettres, de radio et de télévision

Labro écrit sans relâche. Il signe des chansons pour Johnny Hallyday, dont Oh ! ma jolie Sara, mais aussi pour Jane Birkin. Il publie plus de vingt ouvrages, entre roman, autobiographie et réflexion personnelle. Parmi eux, L’Étudiant étranger, prix Interallié 1986, et Un été dans l’Ouest, qui explore les paysages intimes de sa jeunesse américaine.

Il dirige RTL à la fin des années 1980, puis cofonde Direct 8 avec Vincent Bolloré. Sur le petit écran, il invente une forme de télévision lente et cultivée, où la parole prime. Son émission L’Essentiel chez Labro, diffusée jusqu’en 2025, accueille des écrivains, des artistes, des penseurs. Sans effets ni clashs, il donne le temps aux idées de naître.

Une figure de la mémoire française

Labro est un mémorialiste discret. Jusqu’à la fin, il noircit ses carnets Moleskine de citations, de souvenirs, de phrases inachevées. Il croit au pouvoir des mots, à leur lente maturation. Dans Tomber sept fois, se relever huit, il offre un témoignage rare sur la dépression. De plus, il aborde la fragilité des équilibres intimes. Par ailleurs, il exprime la volonté de se reconstruire.

Le visage est marqué mais l’œil reste alerte. Jusqu’au bout, Labro garde ce mélange d’ironie tendre et de gravité calme. Cette photo de 2023 résume une vie : une certaine idée de l’élégance française, nourrie par le doute, l’expérience et le respect du silence. Son carnet est peut-être dans la poche.
Le visage est marqué mais l’œil reste alerte. Jusqu’au bout, Labro garde ce mélange d’ironie tendre et de gravité calme. Cette photo de 2023 résume une vie : une certaine idée de l’élégance française, nourrie par le doute, l’expérience et le respect du silence. Son carnet est peut-être dans la poche.

Il a connu la maladie, les doutes, les silences. Mais il a toujours préféré le partage à la posture. Son œuvre est celle d’un homme qui a cherché à comprendre, plutôt quà convaincre. Sa plume, élégante et précise, reste comme un repère pour les générations futures.

Un parcours des plus admirables

Philippe Labro laisse une empreinte durable. Dans le paysage audiovisuel français, dans la mémoire littéraire et dans le monde du journalisme. Il aura incarné une forme de curiosité insatiable, alliée à une vraie rigueur morale. Un homme qui aimait l’Amérique, mais qui n’a jamais cessé de scruter les fragilités françaises. Un journaliste, un cinéaste, un écrivain, un homme de radio.

Il est décédé d’un cancer à Paris au printemps 2025. En effet, il avait refermé la page d’un XXe siècle qu’il avait raconté avec passion. La France perd un témoin essentiel de son époque. Un œil vif, une voix grave, une curiosité intacte.

Philippe Labro incarna longtemps une sobriété classique, loin des artifices du paraître. Son style reflète sa pensée : rigueur sans ostentation, intelligence sans emphase. Il se tient à la lisière du spectacle, toujours observateur avant d’être acteur. Un regard lucide derrière les projecteurs.
Philippe Labro incarna longtemps une sobriété classique, loin des artifices du paraître. Son style reflète sa pensée : rigueur sans ostentation, intelligence sans emphase. Il se tient à la lisière du spectacle, toujours observateur avant d’être acteur. Un regard lucide derrière les projecteurs.