Le retour des beaux jours de Vanessa Paradis : la patience d’une pionnière

Jury à Cannes 2016, Vanessa Paradis fixe un ciel limpide : quelques années plus tard, elle signe ‘Le retour des beaux jours’. Huitième album, 10 octobre 2025, écrit et coréalisé avec Étienne Daho et Jean-Louis Piérot. Entre Motorbass et Abbey Road, la voix se rapproche, les cordes respirent. Une joie tenue, une lumière patiente, après sept ans de silence studio.

En ce 10 octobre 2025, Vanessa Paradis signe son huitième album, Le retour des beaux jours, conçu avec Étienne Daho et Jean-Louis Piérot entre Motorbass et Abbey Road. Après sept ans de silence studio, la chanteuse explore renaissance, amour et deuil, convie Lily-Rose Depp et Jack Depp, et annonce une tournée 2026. Une joie mesurée s’y cherche, voix captée au plus près, cordes en clair-obscur.

Une entrée en matière : un rideau qui se lève

Un micro dans la main, 10 octobre 2025, la salle encore bruissante du frisson des premières notes. On croirait voir la scène telle qu’Étienne Daho l’a rêvée : une apparition nette, presque cinématographique. Vanessa Paradis n’avait rien publié depuis sept ans. Elle revient avec Le retour des beaux jours, huitième album d’une carrière débutée à l’adolescence. De plus, on retrouve ce grain de voix ayant appris le tact, l’épure et la retenue ardente. Ce disque choisit la clarté sans renier la gravité. La promesse du titre n’est pas une candeur mais un état de vigilance calme, une façon d’habiter la joie avec prudence.

Los Angeles, Paris, Londres : cartographie intime d’un disque

Le fil narratif du disque mêle Los Angeles, Paris et Londres. La ville-muse californienne fournit l’un des titres centraux, Les initiales des anges, portrait délicatement ambivalent d’un mirage urbain dont la lumière finit par trahir les fissures. À Paris, Motorbass apporte l’empreinte d’un studio où les rythmiques se dessinent au plus près du corps. À Londres, Abbey Road prête son velours orchestral et ses légendaires salles d’écho. Le trajet compose une carte sentimentale : l’odeur du bitume californien, la précision artisanale d’un écrin parisien, la solennité britannique des cordes. À l’écoute, ces paysages se répondent, comme si la chanteuse avait étendu sur sa musique un montage alterné.

Un trio à la barre : Paradis, Daho, Piérot

La direction artistique s’écrit à six mains. Vanessa Paradis, Étienne Daho et Jean-Louis Piérot conçoivent une matière pop-soul dont la palette renvoie aux années 1960 et 1970. Les cordes, abondantes mais jamais décoratives, dessinent de fines arches au-dessus de tempos medium. La voix, captée d’assez près, reste le point fixe du mix ; elle conduit les mélodies avec une élégance sans emphase. On reconnaît l’empreinte de Daho dans l’art de la lévitation, ce mouvement ascendant qui ouvre Cœur ardent et porte le morceau titre, Le retour des beaux jours. Piérot, pour sa part, tisse les harmonies, cisèle les ponts, ménage un espace à la fois aérien et charnel.

Plan buste, Cannes 2016 : le visage que l’on croit connaître, et l’envie d’un élan neuf. Le single éponyme mène la danse, ‘Bouquet final’ reste en tête, les mid-tempos tracent la ligne claire. On loue l’élégance, on pointe l’homogénéité : un classicisme qui assume sa mesure et préfère l’empreinte au coup d’éclat.
Plan buste, Cannes 2016 : le visage que l’on croit connaître, et l’envie d’un élan neuf. Le single éponyme mène la danse, ‘Bouquet final’ reste en tête, les mid-tempos tracent la ligne claire. On loue l’élégance, on pointe l’homogénéité : un classicisme qui assume sa mesure et préfère l’empreinte au coup d’éclat.

La fabrique d’un timbre : spontanéité et discipline

L’artiste l’a raconté : plusieurs prises de voix ont été conservées dès les maquettes, pour garder l’inflexion première, la palpitation du texte encore frais. On entend cet effet de proximité dans Trésor ou Rendez-vous. En parallèle, elle a repris un travail technique régulier. La voix, assouplie par l’arrêt du tabac, s’est élargie par endroits ; elle descend sans fatigue, remonte sans forcer, accepte mieux la nuance. Cet alliage de spontanéité et de discipline produit un chant moins compassé, plus libre dans l’égrenage des consonnes. En outre, il déplie les syllabes comme on tourne une photo sous la lampe.

Lumière et ombre : renaissance, amour, deuil

Le disque cherche la renaissance sans esquiver l’ombre. Élégie constitue le point de gravité : une prière tenue, adressée au disparu, que Jean-Louis Piérot et Étienne Daho ont aidé à écrire et à arranger pour que la pudeur ne se confonde pas avec le silence. La chanson respire par sa retenue et l’économie des effets. De plus, un piano légèrement désajusté semble hésiter, comme la mémoire butant sur une image. Ailleurs, l’amour reprend l’initiative, moins flamboyant que continu, dans Un amour de jeunesse ou Make You Mine, tandis que Les initiales des anges situe la vitesse urbaine sur la ligne de crête entre euphorie et lassitude.

La transmission comme ligne de fond

Évidente mais jamais ostentatoire, la dimension familiale traverse l’album. Lily-Rose Depp prête un texte en anglais à I Am Alive, ritournelle au piano dont la douceur finale referme le disque sur une affirmation simple : rester vivant. Jack Depp signe la composition d’ Éléments (fils de Johnny Depp), pièce teintée d’un souffle jazz que vient singulariser la trompette d’Erik Truffaz. Dans ces contributions, ce n’est pas tant l’effet d’affiche qui importe que la circulation d’un geste : écrire, composer, chercher la note juste, se transmettre la flamme. Le disque s’enrichit de cette circulation du proche à l’universel.

Aux César 2018, l’arc d’une carrière se devine : de ‘Joe le taxi’ à aujourd’hui, une mue douce. Sur l’album, la transmission affleure : texte de Lily-Rose Depp en anglais, composition de Jack pour ‘Éléments’, traversé par la trompette d’Erik Truffaz. Les thèmes se répondent : renaissance, amour, deuil, Los Angeles comme ville-muse.
Aux César 2018, l’arc d’une carrière se devine : de ‘Joe le taxi’ à aujourd’hui, une mue douce. Sur l’album, la transmission affleure : texte de Lily-Rose Depp en anglais, composition de Jack pour ‘Éléments’, traversé par la trompette d’Erik Truffaz. Les thèmes se répondent : renaissance, amour, deuil, Los Angeles comme ville-muse.

Le son d’ensemble : soul orchestrale, pop claire

Sur le plan sonore, l’album assemble une ossature de basses souples et de batteries limées. Par ailleurs, des cordes cinématiques jouent le rôle de narrateur secondaire. Le mixage, lui, privilégie l’intelligibilité : on comprend les mots, on perçoit la respiration, on suit la ligne mélodique comme un sentier. Cette économie donne aux singlesBouquet final et Le retour des beaux jours – une efficacité mélodique immédiate. Les refrains tiennent en mémoire, sans brutalité, par un art de la coupe droite.

Un parti pris mesuré : élégance, mais reliefs contenus

Les premières critiques saluent la lumière et la tenue de l’ensemble. Cependant, elles pointent une homogénéité qui atténue parfois la circulation des contrastes. Les mid-tempos dominants, alignés comme une suite de plans fixes, peuvent donner l’impression d’une émotion canalisée plutôt que débordante. On comprend la logique de cohérence recherchée par le trio ; l’album gagne en continuité narrative ce qu’il perd parfois en aspérités. Il y gagne aussi une cohérence narrative et une intelligibilité de la voix rarement démenties. Cette réserve ne retire rien à la précision de l’écriture ni à la qualité des arrangements ; elle indique simplement la ligne choisie : une intensité latérale, à hauteur d’âme, qui refuse l’effet de manche.

Une histoire de temps : quarante ans ou presque

On mesure l’arc du parcours. De 1987 à aujourd’hui, de Joe le taxi à Les Sources puis à Le retour des beaux jours, Vanessa Paradis a déplacé sa silhouette d’icône adolescente vers une chanteuse-actrice dont la voix s’autorise désormais des teintes plus ambrées. Le silence 2018 → 2025 n’était pas un retrait ; il fut le temps d’une autre scène, entre le cinéma (ses films) et le théâtre, le temps d’une mue lente. Dans ce huitième disque, on entend moins une rupture qu’un déplacement : la même personne, déplacée d’un pas, regardant plus loin, parlant plus bas, acceptant la profondeur de champ.

Mécanique de sortie : singles, écrans, ondes

La stratégie reste classique et lisible. Le morceau titre Le retour des beaux jours a précédé la sortie officielle. Ensuite, il a été suivi de clips. De plus, il y a eu des passages sur les plateaux TV et à la radio. L’album, disponible depuis le 10 octobre 2025, s’offre avec une sobriété visuelle ; la présence publique se concentre sur quelques paroles mesurées, des interprétations sans surcharge. Le rythme promotionnel soutient le disque sans le déborder. C’est comme si tout devait épouser le tempo choisi par la musique, y compris les images.

Studios : l’art de la précision

À Motorbass, la tradition d’un son français urbain et organique se réaffirme, dans des textures de batteries souples, de guitares comprimées avec parcimonie, de synthétiseurs aux attaques feutrées. À Abbey Road, l’orchestre trouve ses perspectives. Le placement des pupitres et l’usage d’espaces naturels ajoutent un volume qui n’écrase jamais la voix. Le trio de réalisation veille à ne pas charger : les cordes ne sont pas un luxe, elles sont une forme.

Daho, l’allié de toujours

Étienne Daho ne se contente pas d’une signature ; il ramène avec lui une méthode. Écriture au cordeau, coupes brèves, ponts qui relancent la marche, attention à l’articulation. On perçoit aussi sa façon d’ouvrir des fenêtres d’air dans la rythmique. Cela permet à la voix de passer, légère et précise. Piérot, discret mais décisif, orchestre les détails : une ligne de basse qui corrige l’harmonie, un contrechant de flûte, un écho très court au bout d’une phrase. La chanteuse, elle, s’enfonce au centre du cercle, guidée sans être tenue.

« Éléments » : une joie grave

Le titre Éléments se signale par la visite d’Erik Truffaz, trompette claire qui traverse le morceau à la manière d’un trait discret, frôlant le motif sans l’engloutir. On y entend une joie grave, un sentiment de nature plus forte, une profession de foi terrestre. La composition de Jack Depp inscrit ce morceau dans une autre fréquence, légèrement plus mobile, où la voix s’autorise un espace, une traînée de souffle, un pas de côté.

Scène 2026 : promesse tenue

La tournée Le retour des beaux jours est annoncée de mars à novembre 2026. Le cœur battra fort à Paris, où le Zénith accueille deux soirées annoncées les 21 et 22 mai 2026. D’autres rendez-vous majeurs s’esquissent, dont une étape d’envergure à l’Accor Arena. Ce calendrier prolonge la promesse du disque : danser sans s’aveugler, tenir la lumière suffisamment haut pour que chacun la voie. On imagine alors l’ouverture du concert : un rideau qui se lève, un motif de cordes, puis la voix, posée sans trembler.

À l’avant-première de ‘Café de flore’, 2012 : la projection vers demain. Ici, la voix, assouplie, captée souvent dès les maquettes, cherche la nuance plutôt que l’emphase. 2026 s’ouvre en scène : tournée de mars à novembre, Zénith de Paris les 21 et 22 mai, étape attendue à l’Accor Arena. Tenir la lumière sans s’aveugler.
À l’avant-première de ‘Café de flore’, 2012 : la projection vers demain. Ici, la voix, assouplie, captée souvent dès les maquettes, cherche la nuance plutôt que l’emphase. 2026 s’ouvre en scène : tournée de mars à novembre, Zénith de Paris les 21 et 22 mai, étape attendue à l’Accor Arena. Tenir la lumière sans s’aveugler.

Un classicisme assumé

Le retour des beaux jours n’invente pas un langage, il perfectionne une manière. Ce classicisme ne s’interdit pas les risques : conserver une prise fragile, alléger un refrain, supprimer un suraigu, compter sur la diction pour imprimer le souvenir. La durée d’un album ainsi conçu n’est pas celle d’un coup d’éclat, mais d’une trace. On le réécoute parce qu’il tient par sa juste mesure, parce qu’il donne sans hausser la voix. Il y a là une maturité qui ne renonce pas à la ferveur.

Tenir la ligne claire

Au terme de l’écoute, on garde l’image d’une ligne claire. Vanessa Paradis avance avec prudence, mais elle avance. Elle ne cherche pas l’éclat qui brûle ; elle travaille la lumière qui dure. L’album Le retour des beaux jours de Vanessa Paradis est un disque pensé pour accompagner plutôt que pour éblouir ; il s’installe, il infuse, il ouvre doucement une fenêtre. Dans le sillage de Daho et Piérot, avec la présence discrète et juste de ses enfants, la chanteuse retrouve ce qui fait l’essence d’un parcours de quatre décennies : la fidélité à une voix qui, sans hausser le ton, continue de trouver les mots, et le souffle, pour nommer ce qui nous tient.

Cet article a été rédigé par Émilie Schwartz.