À 80 ans, Olivier de Kersauson n’a rien perdu de son aura. Marin d’exception, écrivain singulier, penseur vagabond, il incarne une vie vécue à contre-courant, avec la mer pour guide et l’horizon pour seule limite. Plus qu’un homme, il est une légende. Ses traversées des océans sont des aventures humaines, ses écrits des reflets d’âme. Libre, romantique, parfois caustique, Olivier de Kersauson s’est forgé une existence où les tempêtes de la mer croisent celles du cœur.
Une jeunesse entre tempêtes et audaces
Né en 1944 au cœur d’une famille aristocratique bretonne, Olivier de Kersauson est le septième d’une fratrie de huit enfants. Sa jeunesse est un mélange de rigueur jésuite et de rébellion instinctive. "J’étouffais dans un monde où tout semblait écrit d’avance", confie-t-il dans l’un de ses livres. À 19 ans, il embarque sur le légendaire Pen Duick III sous la houlette d’Éric Tabarly. Ce dernier, figure tutélaire de la voile française, devient son mentor, son phare. "Avec lui, j’ai appris à lire le vent et à défier l’impossible. J’ai surtout appris que la liberté se conquiert à la force des bras."
Très vite, la mer devient son refuge, son miroir. Loin des bancs d’école où il s’ennuyait, il excelle à la barre. "Mauvais élève, mais excellent barreur", résume-t-il avec son ironie caractéristique.
L’humour comme arme et bouclier
Olivier de Kersauson n’est pas qu’un navigateur hors pair. L’homme manie les mots comme d’autres manœuvrent les voiles : avec précision et panache. Chroniqueur caustique des Grosses Têtes pendant des années, il a fait de l’humour une seconde boussole. "On ne se lasse pas du bleu. On se lasse des cons", avait-il un jour répliqué à un journaliste un peu trop insistant.
Derrière cette façade mordante se cache un homme sensible, profondément enraciné dans ses valeurs. Il méprise le superficiel et préfère la sincérité des silences à l’agitation des discours. "L’humour, c’est ma façon de respirer", avoue-t-il. Une respiration nécessaire pour un homme en quête permanente d’authenticité.
Les femmes de sa vie, ports d’attache et vents contraires
Les passions d’Olivier de Kersauson ne se limitent pas aux océans. Les femmes ont joué dans sa vie un rôle aussi déterminant que les vents dans ses traversées. Parmi elles, Florence Arthaud, la "fiancée de l’Atlantique", avec qui il partage une histoire secrète, empreinte de respect mutuel et d’admiration. "Elle était une comtesse aux pieds nus, un oiseau libre", dit-il.
Il épouse ensuite Caroline Piloquet-Verne, avec qui il a un fils, Arthur. Mais c’est en Polynésie qu’il trouve un apaisement inédit. En 2014, sur un atoll perdu, il épouse religieusement Sandra, une femme discrète, passionnée de jardinage. "Elle m’a appris la patience, cet art que je pensais réservé à la mer", confie-t-il avec tendresse.
Secrets de navigation, entre records et poésies
Trois fois vainqueur du Trophée Jules-Verne, Olivier de Kersauson est un homme de défis. Mais pour lui, l’essence de la navigation ne réside pas dans les chiffres. "Ce n’est pas le record qui compte, mais le voyage intérieur qu’il suscite." À ses yeux, la mer est une école de vie, une maîtresse exigeante. "Elle ne ment jamais. Elle enseigne l’humilité et la vérité."
Ses récits sont peuplés d’anecdotes insolites, empreintes de poésie. Comme cet albatros qui le suivit 12 jours durant en plein Pacifique. "Un frère d’errance", murmure-t-il, presque ému. Ses traversées, souvent solitaires, sont des quêtes spirituelles où il rêve d’îles invisibles et de récifs fantasmés.
L’homme face au temps et à la maladie
En 2018, le marin affronte une autre tempête : un cancer du poumon. Fidèle à son caractère, il refuse le pathos. "Je n’ai pas demandé à venir, je ne demande pas à partir", lâche-t-il avec détachement. Aujourd’hui, à 80 ans, il regarde le passé avec une sérénité presque désarmante : "La mer est ma mémoire. Les souvenirs s’effacent, mais elle demeure, immuable."
Un conteur des mers et de la vie
Si Olivier de Kersauson navigue toujours, c’est aussi avec les mots. Auteur prolifique, il retranscrit dans ses livres l’âme des océans et ses réflexions d’homme libre. Son dernier ouvrage, Avant que la mémoire s’efface, est un voyage littéraire au gré de ses souvenirs, entre éclats d’humour et méditations philosophiques. "Les mots, comme les voiles, doivent capter le souffle juste", écrit-il.
Homme de défis, de passion et d’ironie, Olivier de Kersauson reste fidèle à l’enfant qu’il était : curieux, intrépide, épris d’horizons. Sa vie est une invitation à rêver, à larguer les amarres. Et quand la mer l’appelle, il ne résiste jamais.