C’est une fable politique à la française, où le héros tragique est renversé avant même d’avoir eu le temps de finir son discours sur la résilience. Le 4 décembre 2024, Michel Barnier, Premier ministre d’un gouvernement déjà mal en point, a été éjecté par une motion de censure historique. 331 voix contre lui : une claque monumentale, et une première depuis 1962. Si ça ne sent pas bon pour la démocratie, ça a au moins le mérite de réveiller un Parlement souvent plus mou qu’un soufflé raté.
Le 49.3 : la télécommande qui fait exploser la télé
Tout a commencé avec le 49.3, cet article magique de la Constitution qui permet de faire passer des lois sans demander l’avis de personne. Une sorte de joker, mais qui finit souvent par exploser au visage de celui qui le joue. Michel Barnier, dans un élan qu’on qualifiera d’audacieux ou d’aveugle, a choisi de l’utiliser pour le budget de la Sécurité sociale. Mauvaise pioche : à peine l’annonce faite, c’était comme si on avait jeté de l’huile sur un barbecue déjà bien chaud.
À gauche, Mathilde Panot, patronne de La France Insoumise, s’est levée dans l’Hémicycle pour dénoncer un "acte de tyrannie moderne" (oui, rien que ça). Marine Le Pen, de son côté, a flairé une opportunité plus grosse qu’un fromage bien affiné et a rallié son camp avec l’enthousiasme d’une cheerleader en finale. Ensemble, ces ennemis jurés ont monté une motion de censure. Un mariage politique improbable, mais efficace, comme un duo pop qu’on n’attendait pas.
Chaos à l’Assemblée : théâtre ou combat de catch ?
La séance à l’Assemblée nationale aurait pu passer pour une pièce de boulevard si elle n’était pas si tragique. Les députés, galvanisés par l’odeur du sang politique, se sont livrés à des joutes verbales d’une violence rarement atteinte. On a entendu des insultes voilées, des accusations de trahison, et même des références douteuses au rôle de Barnier dans les négociations du Brexit, comme si cela avait un rapport. À un moment, un député a hurlé "dictature parlementaire !", ce qui a provoqué un rire général – même les sièges vides semblaient amusés.
Le sommet du ridicule a sans doute été atteint quand un élu de droite a comparé l’utilisation du 49.3 à "un coup d’État en col blanc". Ce à quoi un élu socialiste a répondu : "Et vous, vous auriez dit quoi en 1958 ?" Si ce n’était pas si triste, on aurait vendu des billets pour assister à ce cirque.
Le renversement : une coalition improbable
Le vote est tombé comme une guillotine bien affûtée : 331 députés, un mélange hétéroclite de gauchistes, de droitiers et de centristes en crise existentielle, ont voté contre Barnier. Mathilde Panot a savouré sa victoire comme une révolutionnaire devant la Bastille. Marine Le Pen, toujours pragmatique, a adopté une posture de femme d’État – enfin, presque. Et même Olivier Faure, qui avait probablement oublié qu’il dirigeait encore le Parti socialiste, s’est joint à cette alliance de circonstance.
Quant à Michel Barnier, il a encaissé la défaite avec une élégance digne d’un candidat éliminé au premier tour d’une présidentielle. "C’est la démocratie," a-t-il déclaré, l’air aussi convaincu qu’un enfant à qui on a expliqué que les épinards, c’est bon pour la santé.
Et maintenant, Emmanuel ?
Emmanuel Macron, qui regarde tout cela depuis l’Élysée, a désormais la lourde tâche de ramasser les morceaux. Ses options sont aussi réjouissantes qu’un dessert sans sucre.
Nommer un nouveau Premier ministre, qui acceptera peut-être ce poste empoisonné si on lui promet un chèque-cadeau.
Dissoudre l’Assemblée nationale, avec le risque de se retrouver avec une chambre encore plus hostile. Une sorte de roulette russe, mais avec six balles.
Former un gouvernement technocratique, parce que rien ne calme les passions comme des gens qui parlent avec PowerPoint.
Pour l’instant, Macron fait ce qu’il fait le mieux : gagner du temps. On raconte qu’il a appelé Barnier pour lui dire : "Bon, c’est pas si grave. Tu pourras écrire un livre." Barnier aurait répondu : "Oui, mais qui le lira ?"
Des marchés et des humeurs qui tanguent
Les marchés financiers, ces grands nerveux, ont réagi comme d’habitude : en paniquant. Les taux d’emprunt de la France montent, les agences de notation sortent leurs pires scénarios, et BFM Business a consacré quatre heures à expliquer pourquoi tout cela pourrait provoquer la fin du monde (spoiler : non).
Et dans la rue ? Les Français, eux, oscillent entre colère et indifférence. "Encore un qui tombe," a résumé un retraité au micro d’un journaliste. "Mais bon, c’est pas ça qui va payer ma facture de chauffage." Les citoyens, fatigués des crises politiques, regardent ce spectacle avec le même intérêt que pour une énième rediffusion de Camping : c’est divertissant, mais un peu répétitif.
Une crise qui en cache une autre
Cette motion de censure révèle surtout les failles d’un système parlementaire où personne n’a de majorité, mais tout le monde a une opinion. Certains appellent à une réforme institutionnelle, d’autres proposent de revenir à la IVe République, et un député a même suggéré "d’essayer la monarchie". Pourquoi pas ?
Pour Emmanuel Macron, le message est clair : il faut apaiser, réconcilier et surtout… survivre jusqu’à 2027. Pas simple quand la moitié de la classe politique rêve de votre chute et que l’autre moitié ne sait même pas pourquoi elle est là.
Joyeux Noël, Michel
Ainsi s’achève le feuilleton "Barnier à Matignon". Une tragédie pour certains, une farce pour d’autres. Michel Barnier, lui, passera probablement les fêtes entouré de sa famille, en se demandant pourquoi il a quitté ses paisibles fonctions européennes pour ce grand cirque national.
Quant à l’Assemblée nationale, elle continuera à jouer son rôle préféré : celui d’un théâtre où l’on crie beaucoup, où l’on s’écoute peu, mais où, au final, tout le monde applaudit. Parce que, comme dirait un dinosaure de la politique : "C’est la France."