Dans un contexte de révolution industrielle sans précédent, Luca de Meo, directeur général de Renault, impose sa vision. Ses critiques des objectifs européens sur l’électrification et ses appels au pragmatisme résonnent au-delà du secteur automobile. Mais qui est cet homme, au carrefour de la stratégie industrielle et de l’innovation ?
Un leader face à des défis colossaux
Depuis son arrivée chez Renault en 2020, Luca de Meo a pris les rênes d’une entreprise en proie à une crise profonde. Avec une perte historique de 8 milliards d’euros, la marque au losange semblait à bout de souffle. De Meo a répondu par "Renaulution", un plan stratégique qui vise à transformer le groupe, en misant sur une montée en gamme et une transition vers l’électrique.
Cependant, il reste lucide face aux défis. Selon lui, l’objectif européen d’électrification à 100 % d’ici 2035 est « intenable ». Dans une interview accordée à Ouest-France, il a déclaré : « Nous sommes face à un mur ». Il pointe du doigt la dépendance aux batteries et les coûts élevés de production, mais reste convaincu que l’électrique représente une partie du futur. Un pragmatisme teinté de volontarisme.
L’homme derrière le stratège
Né à Milan en 1967, Luca de Meo nourrit très tôt une passion pour l’automobile. Il se souvient encore de sa première montée à bord d’une Lancia Fulvia HF, à l’âge de 7 ans, aux côtés du pilote Arnaldo Cavallari. Cette étincelle l’a conduit à poursuivre des études à l’université Bocconi, où il s’est spécialisé en éthique commerciale, une discipline pionnière pour l’époque.
Avec une carrière qui l’a mené à vivre dans 12 pays et à parler cinq langues, De Meo a rapidement gravi les échelons. Après un premier passage chez Renault, il s’illustre chez Fiat, où il relance la marque Abarth et transforme la Fiat 500 en une icône mondiale. Ce talent pour insuffler une nouvelle âme à des marques se confirme chez SEAT, où il redresse les finances et crée Cupra, une marque innovante et performante.
Un visionnaire du marketing
Luca de Meo est un maestro du storytelling industriel. Chez Fiat, il a réussi à associer la Fiat 500 à un style de vie élégant et accessible. Chez SEAT, il a positionné la marque comme le choix tendance des jeunes générations. Aujourd’hui, il applique cette recette chez Renault. La Renault 5 électrique, attendue pour 2025, ambitionne de redéfinir l’accessibilité à l’électrique tout en ravivant l’âme d’un modèle mythique.
Dans son livre De 0 à 500, Luca de Meo dévoile une approche où stratégie et passion se rejoignent. Ce n’est pas un simple manuel de management, mais un manifeste personnel où il partage sa vision unique de l’industrie automobile.
Un dirigeant clivant
Ses positions tranchées sur les politiques européennes d’électrification lui attirent autant d’admirateurs que de détracteurs. Certains le qualifient de provocateur, notamment après sa décision d’arrêter le moteur F1 chez Alpine. D’autres, au contraire, saluent son pragmatisme et sa capacité à affronter les réalités du marché.
Il n’hésite pas à dénoncer les contradictions des règlements européens. « Les règles uniformes ignorent les particularités de chaque pays », affirme-t-il. Selon lui, Bruxelles risque de provoquer une désindustrialisation massive si elle ne s’adapte pas.
Un futur sous le signe de l’innovation
Malgré les obstacles, Luca de Meo avance avec audace. Sous son impulsion, Renault mise sur l’économie circulaire, notamment avec l’usine Refactory à Flins, un modèle de reconversion industrielle. Il promeut également le leasing électrique à grande échelle, une solution qu’il juge essentielle pour rendre les véhicules électriques plus accessibles.
En 2023, il a quitté la présidence de l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA), où il a plaidé pour une politique industrielle plus cohérente face aux pressions américaines et chinoises. Son mandat restera comme un moment charnière pour l’industrie automobile européenne.
Luca de Meo, juste un homme de son temps
Luca de Meo est bien plus qu’un dirigeant : il incarne une vision capable de réconcilier ambition écologique et réalisme économique. Pragmatique mais rêveur, stratège mais passionné, il transforme chaque crise en opportunité.
Alors que Renault navigue dans des eaux tumultueuses, l’avenir de l’automobile européenne pourrait bien dépendre de sa capacité à façonner un nouveau paradigme. Luca de Meo restera-t-il dans l’histoire comme l’homme qui a redéfini l’industrie ? L’histoire, comme lui, avance avec audace.