
À 96 ans, Line Renaud, légende vivante de la chanson et du théâtre français, a offert un rare et émouvant aperçu de son intimité lors d’un entretien avec Laurent Delahousse dans 20h30 le dimanche, diffusé le 27 octobre. Depuis sa demeure de La Jonchère, un lieu imprégné de souvenirs qu’elle habite depuis 1948, elle se livre, sans détour ni artifices, sur les moments clés d’une existence marquée par des triomphes, des épreuves et une passion indéfectible pour la scène et pour la vie.
Un secret douloureux : l’ombre d’un avortement clandestin
Dès ses premières confidences, Line Renaud dévoile une part douloureuse de sa jeunesse : son avortement clandestin à l’âge de 18 ans. À cette époque, elle n’était pas encore solidement établie auprès de Loulou Gasté, l’amour de sa vie et son futur époux, qui ne souhaitait pas d’enfant. « Tout était noir, » murmure-t-elle, évoquant ce souvenir amer avec une retenue poignante. Elle rend hommage à Simone Veil, dont le combat pour légaliser l’avortement en 1975 a permis à tant de femmes d’échapper aux risques mortels d’interventions clandestines. Ce souvenir douloureux, jadis empreint de honte, est aujourd’hui porté avec fierté, symbole d’une époque révolue grâce aux luttes de femmes engagées.
Une rencontre inoubliable avec le « King » Elvis Presley
Parmi les éclats de sa carrière, un moment brille avec une intensité particulière : sa rencontre avec Elvis Presley. Invité par Line au Casino de Paris lors de son service militaire en France, le « King » lui rend visite en coulisses. "Il a pris la guitare de Loulou et a joué pour nous. Un moment suspendu," se souvient-elle avec des étoiles dans les yeux. Cette nuit magique se prolonge jusqu’à l’aube, errant dans la Rue de Clichy à ses côtés, une expérience unique, qui demeure, même des décennies plus tard, un souvenir incandescent de grâce et de spontanéité.
Une maison-cocon, témoin d’une vie partagée
Depuis plus de 70 ans, Line Renaud habite la même maison à Rueil-Malmaison, une demeure qu’elle décrit comme sa « coquille ». En 1948, elle et Loulou acquièrent ce terrain isolé, vierge de toute commodité, et consacrent leur énergie à en faire un havre de paix. À force de transformations patientes, ce lieu devient pour elle un sanctuaire, un refuge inaltérable où chaque recoin évoque l’amour et le travail du passé. « Ma maison de La Jonchère, c’est mon monde. Je m’y vois encore, jusqu’à mon dernier souffle, » confie-t-elle, les yeux tournés vers un avenir serein.
Amours et infidélités : la complexité des sentiments
Si son mariage avec Loulou Gasté reste le pilier de sa vie affective, Line n’élude pas la complexité de ses passions. Elle se souvient, sans honte ni regret, de sa relation de près de 18 ans avec Nate Jacobson, patron du célèbre Caesars Palace de Las Vegas. Loulou acceptait cette histoire, signe d’une complicité rare et d’une confiance sans faille. « C’était merveilleux. Je souhaite à toutes les femmes de connaître, au moins une fois, une aventure comme celle-là, » confie-t-elle, illustrant ainsi la liberté de cœur qui l’a toujours animée.
L’amie des présidents et des grands de ce monde
Dans son parcours, Line Renaud a tissé des liens profonds avec de nombreuses figures politiques. De François Mitterrand à Emmanuel Macron, elle a côtoyé les présidents avec franchise et respect. Mais son lien le plus fort demeure avec Jacques Chirac, qu’elle considère comme un frère. Lors d’une remise de décorations à l’Élysée, il la présente affectueusement comme sa « sœur ». Cependant, elle n’a jamais caché sa réserve envers Valéry Giscard d’Estaing, dont elle jugeait le style « bidon ». Au fil des ans, elle s’est imposée comme une confidente naturelle pour les puissants, tout en restant fidèle à elle-même.
La sérénité devant l’inéluctable
À l’aube de son centenaire, Line Renaud aborde avec une lucidité rare la question de la mort, exprimant sa volonté de mourir dans la dignité. Inspirée par des personnalités comme Françoise Hardy, elle milite pour le droit de choisir une fin de vie sans souffrance, refusant l’acharnement médical. « Quand elle viendra à ma porte, je lui dirai : ‘entrez’. » Pour elle, la mort n’est pas un ennemi mais une étape à franchir avec grâce, dans le respect de soi et des autres.
Des adieux sans regrets
À travers cet entretien, Line Renaud se dévoile dans toute sa richesse : femme de scène, amante passionnée, militante engagée. Elle incarne la force d’une vie vécue pleinement, où chaque instant est une célébration de l’amour et de la liberté. Son ultime message est un adieu empli de paix et de reconnaissance : « J’ai eu la qualité, je n’ai plus cherché ailleurs. » Une phrase qui résume à elle seule une existence entière dédiée aux autres, un héritage d’émotions, de souvenirs, et d’inspiration pour des générations de fans, gravé à jamais dans le cœur de ceux qui l’admirent.