
Leïla Slimani, romancière franco-marocaine, est aujourd’hui l’une des plumes les plus influentes de la littérature francophone. Couronnée du prix Goncourt 2016 pour Chanson douce, elle conclut en ce début d’année le dernier volet de sa trilogie Le pays des autres avec J’emporterai le feu. Cette fresque, inspirée de sa propre histoire familiale, s’accompagne d’un engagement affirmé, tant dans le champ politique que culturel. Slimani incarne une figure audacieuse et libre, qui transcende les frontières littéraires et identitaires.

Une trilogie magistrale au cœur de l’histoire marocaine
Avec J’emporterai le feu, Leïla Slimani clôt une saga familiale qui traverse trois générations, explorant les bouleversements du Maroc du XXe siècle. Cette œuvre, qui débute avec Le pays des autres, raconte l’histoire de Mathilde, une Alsacienne mariée à Amine, un Marocain, dans un contexte post-colonial chargé de tensions. À travers les destins croisés de leurs descendants, Slimani aborde des thèmes universels comme la quête de liberté, la transmission et les conflits identitaires.
Dans ce dernier opus, elle dépeint les dilemmes de Mia et Inès, symboles d’une jeunesse marocaine tiraillée entre modernité et traditions. Sa plume, précise et vibrante, saisit l’intimité des personnages tout en reflétant des enjeux sociétaux plus larges. Slimani s’impose comme une véritable chroniqueuse de l’âme humaine et des mutations historiques.
Une voix politique assumée et indépendante
L’engagement de Leïla Slimani dépasse les pages de ses romans. En 2017, elle est nommée représentante personnelle d’Emmanuel Macron pour la Francophonie. Elle défend la langue française comme un outil de dialogue interculturel et de liberté d’expression. Toutefois, Slimani refuse tout compromis politique. En témoigne son refus d’un poste ministériel, qu’elle décline au nom de son indépendance.
Dans son pays natal, le Maroc, son combat est plus délicat. Elle milite pour les droits des femmes, l’égalité des genres et les libertés individuelles, notamment celles des minorités sexuelles. Ces prises de position audacieuses, souvent controversées dans une société conservatrice, font d’elle une figure à la fois admirée et critiquée.
Une femme à la croisée des cultures
Slimani incarne un pont entre l’Europe et l’Afrique. Fille d’un haut fonctionnaire marocain et d’une mère alsacienne, elle revendique une identité plurielle. Cette double appartenance nourrit ses œuvres, mais aussi son parcours personnel. Fatiguée par le rythme effréné de Paris, elle s’installe récemment à Lisbonne, une ville qu’elle décrit comme une source de sérénité et d’inspiration. Cet exil volontaire reflète son besoin d’équilibre, entre enracinement et ouverture sur le monde.
La littérature, un levier de transformation sociale
Pour Slimani, l’écriture est plus qu’un métier : c’est une mission. Elle anime des ateliers de lecture en prison, convaincue que la culture peut transformer des vies et offrir une nouvelle perspective. Son style, accessible mais percutant, séduit un public large. Elle voit dans la littérature une arme puissante contre l’injustice et l’oubli. Avec J’emporterai le feu, elle rend hommage à son père, un homme complexe dont la chute a marqué sa jeunesse. À travers lui, elle interroge la notion d’héritage, autant personnel que collectif.

Une figure libre et inspirante
Si Leïla Slimani fascine, c’est aussi par son audace et sa modernité. Elle refuse les étiquettes et revendique un féminisme sans complexe. Héritière intellectuelle de Simone de Beauvoir, elle puise également son inspiration dans des icônes populaires comme Madonna, qu’elle admire pour leur liberté de ton.
Certains la critiquent pour son omniprésence médiatique. Mais Slimani, avec sa franchise, assume pleinement son rôle dans l’espace public. Elle incarne une génération d’écrivains engagés, conscients de leur responsabilité sociale.
Entre horizons littéraires et nouveaux défis
Leïla Slimani ne compte pas s’arrêter là. Alors que J’emporterai le feu reçoit déjà des critiques élogieuses, elle explore de nouveaux projets. Des genres littéraires différents, des collaborations artistiques et un travail continu pour promouvoir la francophonie figurent parmi ses ambitions.
À 42 ans, elle s’impose comme une écrivaine incontournable, dont le parcours allie réussite littéraire et engagement citoyen. Avec elle, les mots ne sont jamais neutres : ils résonnent, provoquent et transforment.