Le film Lee Miller, réalisé par Ellen Kuras, est sorti ce mercredi 9 octobre, et, comme un soldat hésitant sous la pluie, il peine à se tenir droit. Pourtant, on y trouve une lueur d’espoir en la personne de Kate Winslet, qui incarne la photographe de guerre Lee Miller avec une ferveur indéniable. Brillante, investie, et peut-être même trop bonne pour le film qui l’entoure, Winslet tente d’élever cette œuvre maladroite en nous plongeant dans la vie tumultueuse d’une pionnière du photojournalisme, traversant la Seconde Guerre mondiale avec son appareil comme seule arme.
De l’éclat des flashs à l’ombre des tranchées
Le parcours de Lee Miller pourrait faire frémir n’importe quel scénariste. Née en 1907 à Poughkeepsie (oui, ce lieu existe vraiment), elle commence comme mannequin avant de s’émanciper des flashes pour capturer la guerre, une passion grandissante pour la photographie qui la mène sur les champs de bataille d’Europe. Man Ray la prend sous son aile, mais Lee ne se laisse pas écraser sous l’étiquette de « muse » – elle a du mordant, et il en faut, car en 1942, le Vogue britannique l’envoie documenter la guerre avec un œil féminin sur un monde ravagé par les hommes.
Le film tente de saisir cette dualité, mais là où le projet titube, c’est dans son exécution : la réalisation d’Ellen Kuras se veut grandiloquente, mais finit par ressembler à un montage PowerPoint des clichés historiques les plus connus de Lee. Quant à Kate Winslet, elle livre une performance admirable, jonglant entre vulnérabilité et détermination, mais l’œuvre qui l’entoure ne sait pas toujours que faire d’elle. Comme si on avait donné une Bentley à quelqu’un qui ne sait pas conduire.
La guerre, version Miller : intrépide, audacieuse, (et mieux sans les hommes)
Lee Miller, photographe de guerre à une époque où les femmes étaient aussi rares sur les lignes de front qu’une trêve dans les tranchées. Le film nous rappelle sans cesse les obstacles qu’elle a dû franchir pour imposer sa vision. Dans une scène délicieusement absurde, elle se grime en homme pour pénétrer un club de presse réservé aux correspondants masculins. Un moment où l’on se demande : comment une personne aussi talentueuse a pu être aussi sous-estimée ? Mais le film, lui, semble bien plus à l’aise à rabâcher cette question plutôt qu’à y répondre avec subtilité.
On comprend néanmoins pourquoi Kate Winslet a voulu coproduire le film. Engagée, elle a confié les rênes à une femme, car selon ses propres termes, « Il était impensable qu’un homme raconte cette histoire. » Cela, au moins, est une réussite. Mais est-ce suffisant pour sauver un biopic qui s’étire parfois autant que les longues nuits d’hiver dans un bunker ? Pas sûr.
Un héroïsme trop bien enveloppé dans du papier cadeau
Le film tente, avec une maladresse presque touchante, de nous rappeler que Lee Miller était bien plus qu’une simple photographe. Ses images des horreurs de Dachau et de la Tanière d’Hitler font partie des premières à dévoiler les atrocités des camps de concentration. Le film, cependant, nous montre ces moments avec une lourdeur et un académisme qui tranchent avec la vivacité du sujet. Miller a vu la guerre de plus près que bien des hommes, et pourtant, ici, elle paraît souvent mise en retrait, spectatrice de sa propre vie.
Pire encore, les séquelles psychologiques qui l’ont rongée après la guerre, la menant à l’alcoolisme, sont abordées avec une empathie presque clinique. Winslet, fidèle à son habitude, s’en sort admirablement dans ces scènes, mais on ne peut s’empêcher de penser que tout cela aurait pu être traité avec plus de profondeur et moins de solennité.
Un portrait de femme, encore d’actualité… du moins en théorie
Dans un monde encore secoué par les conflits, le parcours de Lee Miller résonne comme un écho lointain. Mais ce biopic s’enlise souvent dans des clichés au lieu de nous surprendre. Les performances sont solides – Marion Cotillard, Josh O’Connor, et Noémie Merlant s’en sortent avec les honneurs – mais ils semblent perdus dans un récit qui, à force de vouloir tout montrer, finit par nous perdre en route.
Lee Miller, malgré ses faiblesses, reste un hommage important, mais on ne peut s’empêcher de penser qu’avec un peu plus d’audace (et un meilleur montage), le film aurait pu véritablement marquer les esprits, tout comme la photographe elle-même.
Bref, si Kate Winslet sauve les meubles, le film, lui, aurait bien eu besoin de quelques retouches supplémentaires dans la chambre noire du scénario.