The Last Dinner Party rallume le bûcher du rock avec From the Pyre

The Last Dinner Party, esthétique baroque rouge née sur ‘Prelude to Ecstasy’, trouve dans ‘From the Pyre’ un théâtre agrandi et incisif.

Le quintette londonien The Last Dinner Party publie, le 17 octobre 2025, From the Pyre chez Island Records. Produit par Markus Dravs, ce second album embrase la baroque pop par un virage plus théâtral et incisif. À Paris, une écoute privée à la Fnac des Ternes lance la promotion du groupe. Cette initiative est soutenue par des singles. De plus, la presse attentive contribue également à cet élan. Objectif : confirmer, après From the Pyre prolonge ‘Prelude to Ecstasy’, l’élan critique et public.

Repères : sortie, production, promotion et membres

Le quintette The Last Dinner Party formé de Abigail Morris, Lizzie Mayland, Emily Roberts, Georgia Davies et Aurora Nishevci revient avec From the Pyre, deuxième album studio paru le 17 octobre 2025 chez Island Records et produit par Markus Dravs, artisan recherché des grandes architectures sonores. À Paris, une écoute privée a réuni les premiers soutiens du groupe à la Fnac des Ternes. Parallèlement, une couverture critique dense s’est déployée des deux côtés de la Manche. À Londres, où se jouent la plupart des scènes fondatrices de l’aventure, les musiciennes ont façonné une matière brûlante. Cette matière est théâtrale et portée par des singles qui ont précédé la sortie. De plus, une stratégie simple et efficace mêle presse, radio et rencontres avec les fans.

Pour poser un jalon, rappelons que Prelude to Ecstasy avait inauguré l’ascension en 2024 et s’était installé numéro un au Royaume-Uni. From the Pyre prend le relais et assume un geste plus frontal. La promesse n’est plus celle de l’extase mais de la braise. Le groupe y avance serré, les guitares taillent des lignes nettes, la chanteuse Abigail Morris se déploie avec une ferveur de tragédienne.

The Last Dinner Party sur scène à Minneapolis: guitares qui tracent, chœurs portés haut, voix d’Abigail Morris en tragédienne moderne. On entend la cohésion qui nourrit le nouvel album, plus théâtral, plus tranchant, sans sacrifier la mélodie. Ici se forge la dynamique dont Dravs tirera des architectures nettes.
The Last Dinner Party sur scène à Minneapolis: guitares qui tracent, chœurs portés haut, voix d’Abigail Morris en tragédienne moderne. On entend la cohésion qui nourrit le nouvel album, plus théâtral, plus tranchant, sans sacrifier la mélodie. Ici se forge la dynamique dont Dravs tirera des architectures nettes.

Un pari esthétique assumé

Le titre annonce l’image. From the Pyre convoque le bûcher, non comme une fin, mais comme un rituel de transfiguration. La baroque pop chère au quintette se marie à un art rock qui refuse la tiédeur. L’ornement n’est jamais décoratif, il sert l’élan dramatique. Un chœur apparaît, un clavecin surgit, un motif de cordes frotte l’air comme une jarretière de feu. La chanson se fait scène, chaque morceau comme une entrée de personnages. On pense à ces draperies rouges qui, dans leur iconographie, disent la volupté de l’ombre et la tentation du velours. Le disque explore ce contraste entre le soyeux et le coupant. Il oscille entre la tenue de bal et la dague dans la manche.

Le virage est plus théâtral, plus incisif. Il n’efface pas la grâce du premier album, il l’aiguillonne. À l’arrière-plan, une mythologie intime affleure. Les héroïnes se dressent, blessées mais debout, prêtes à boire la lumière comme une réplique de scène. La rumeur d’une ville moderne traverse les chansons avec ses néons et ses quartiers d’entrepôts, Londres vue depuis un pont où l’on rentre encore avec l’odeur du club et du matin froid.

La fabrique sonore de Markus Dravs

On reconnaît la patte de Markus Dravs, producteur capable d’ériger des cathédrales sans étouffer l’humain. Il place des paliers de silence avant les éclats, sculpte des crescendos qui ne s’effondrent pas sur eux-mêmes, ouvre l’espace pour que la voix de la chanteuse Abigail Morris avance sans forcer. Le mix, rigoureux et ample, laisse respirer la basse de Georgia Davies et le tissage de guitares mené par Lizzie Mayland et Emily Roberts. Aurora Nishevci relie l’ensemble par des claviers qui n’imitent jamais, qui insinuent. La batterie, tenue comme une phrase courte, sait quand rentrer, quand s’absenter pour que la dynamique reste vive.

Dravs accompagne le groupe vers une densité nouvelle. Les timbres gagnent en définition, les angles s’affirment, les refrains bondissent. Pas de surcharge, mais un goût prononcé pour les textures qui s’empilent avec méthode. Le résultat frappe par sa cohérence. On entend une troupe. On voit un plateau. Le décor change à vue, la tension ne tombe pas.

Focus production. Connu pour son sens de l’architecture sonore, Markus Dravs affine ici les contrastes plutôt que de gonfler les volumes. Il organise des paliers d’intensité, privilégie les placements vocaux lisibles et des textures instrumentales qui se répondent. Son parcours aux côtés de formations majeures de la pop et du rock alternatifs éclaire cette science du relief : ampleur, clarté, et cette façon de laisser une marge de risque à l’interprétation.

Des chansons qui montent sur scène

Dès l’ouverture, le disque installe un prologue vif, comme un rideau rouge qu’on tire d’un geste sec. La voix conduit, sûre d’elle, avec une diction qui refuse les bavures. Au milieu du parcours, une balade retient la chute. Une lente montée d’orgue et de cordes se fait entendre. Le motif s’éclaircit puis se fend en deux. Cela laisse passer une guitare claire. Plus loin, un titre nerveux s’élance, presque parlé, puis retombe en un chœur qui mord et enlace.

Les singles apparus en amont donnaient déjà la couleur. L’un avançait masqué, tranchant, comme si la narratrice disait l’intime avec le calme d’un bourreau. Un autre s’élevait en marche funèbre, l’implacable danse d’une faux qui tourne et revient. Un troisième jouait la franchise du second plan, l’aveu tordu qui éclaire d’un coup le véritable désir. Tous trois affirment une plume plus nette. Ils privilégient des structures moins sages et une mise en scène percutante. Celle-ci préfère l’impact au bel effet.

On notera la manière dont le groupe s’autorise des choeurs presque liturgiques pour appuyer un moment de grâce, puis brise l’instant par un détour rythmique qui rappelle le meilleur de l’indie britannique. Les guitares ne cherchent pas la saturation pour elle-même. Elles piquent, elles dessinent, elles posent un cadre pour la dramaturgie du chant. Le goût pour la musique de chambre, déjà présent sur le premier album, revient par touches. Mais c’est l’énonciation qui mène, droite, conquérante, parfois tendre.

Dans ce théâtre sonore, la basse de Georgia Davies tient souvent la clé : lignes rondes qui poussent les refrains, notes tenues qui laissent respirer les couplets. Les guitares de Lizzie Mayland et Emily Roberts privilégient l’attaque nette, parfois en arpèges, parfois en traits staccato qui accrochent la mélodie sans l’alourdir. Un trait de clavecin vient, par endroits, doubler la ligne aiguë et donner ce grain baroque qui signe le groupe. Les chœurs à trois voix ne se contentent pas d’orner : ils déplacent la perspective, installent des réponses, ouvrent des portes harmoniques. La batterie, sèche et précise, dose les appuis, ménage des espaces blancs où la chanteuse Abigail Morris peut prendre le contrôle, jusqu’à l’éclat. On perçoit un soin particulier apporté aux transitions, ces quelques mesures qui font passer d’un climat à l’autre. De plus, elles le font sans rompre le fil, comme si chaque titre épousait la logique d’un acte.

De Londres à Paris, l’itinéraire d’une ferveur

La géographie compte. Londres demeure la matrice du groupe. On y entend les studios, la sueur des salles, la discipline des répétitions. Ce second album en garde la pulsation. Paris accueille la célébration. Une écoute privée à la Fnac des Ternes a joué la carte de la proximité. Les profils sont tournés vers la régie, tandis que des murmures s’élèvent lorsque la première piste commence. Une respiration commune se crée dans le silence laissé par une coda.

Glastonbury 2023, étape d’ascension : sous les les projecteurs, The Last Dinner Party installe sa grammaire scénique, baroque et adressée. Cette ferveur augure le n° 1 britannique de 2024 puis le virage assumé de 'From the Pyre', récit d’affranchissement et de pouvoir.
Glastonbury 2023, étape d’ascension : sous les les projecteurs, The Last Dinner Party installe sa grammaire scénique, baroque et adressée. Cette ferveur augure le n° 1 britannique de 2024 puis le virage assumé de ‘From the Pyre’, récit d’affranchissement et de pouvoir.

À Paris, la session d’écoute s’est tenue en petit comité dans un espace dédié de l’enseigne. Les morceaux ont été découverts en avant-première et discutés à chaud. Le dispositif, volontairement simple, visait la proximité : pas d’esbroufe, un son soigné, quelques mots d’introduction, puis la musique au premier plan. L’événement a servi de relais à la couverture française entre critiques publiées le jour J et échos sur les réseaux. Ceux-ci provenaient de la Fnac.

La communauté formée autour du groupe est majoritairement jeune. Elle lit les chansons à la lettre et se reconnaît dans ce théâtre. Ce dernier refuse le sarcasme, mais préfère l’excès maîtrisé.

Le plan de promotion repose sur une visibilité accrue en presse britannique et en médias français. En outre, il s’appuie sur des contenus diffusés au compte-gouttes. De plus, la complicité d’une base de fans documente chaque apparition. Cette économie de l’attention correspond au projet artistique. Le groupe ne cherche pas la saturation. Il mise sur la présence, sur la récurrence, sur une esthétique claire.

Ce que raconte ce deuxième disque

From the Pyre parle de combustion, non de cendres. Il raconte la lucidité qu’on arrache à la nuit. Ensuite, il évoque les colères que l’on dirige enfin. Par ailleurs, il décrit la fatigue qui se transforme en ligne droite. Il parle d’amour et de pouvoir, d’amitié et de désir, d’affranchissement surtout. On y croise des figures de noblesse déchue. De plus, on rencontre des héroïnes au bord du gouffre. Enfin, il y a des gestes de pardon qui sonnent comme des victoires.

Le groupe avance la théâtralité comme une langue première, pas comme un effet. Cela s’entend dans les enchaînements et dans les petites fausses fins. Ensuite, on le perçoit dans l’art de relancer une rythmique par une poussée de voix. Les mots s’ancrent dans un vocabulaire simple, l’imagerie se charge de mythes et de scènes du quotidien. On devine une bibliothèque, on devine aussi le goût du spectacle. Rien n’y est ironique. La distance n’annule pas la ferveur. Elle la concentre.

Échos et références

Les filiations ne sont jamais serviles. On perçoit des réminiscences de la grande pop britannique, qui aime les chœurs et les envolées. De plus, il y a un sens du drame que l’on pourrait qualifier d’opératique. Ensuite, une cadence rappelle le cabaret lorsque la basse trotte et que le piano esquisse un pas de côté. Des échos de Kate Bush passent dans la manière de pousser la voix vers l’exclamation fébrile. Des ombres de Bowie surgissent dans l’art de l’adresse directe. On entend aussi la rigueur d’une écriture qui a fréquenté la musique savante sans se figer.

Le groupe joue avec ses costumes, ses lumières, ses couleurs. Cet art de la scène irrigue les chansons et leur donne un supplément de visibilité. L’iconographie baroque n’est pas un masque, elle est la traduction d’un imaginaire. Elle raconte la volonté de transformer la vulnérabilité en parade. Elle dit le plaisir de dresser une table et d’inviter le public à prendre place.

The Last Dinner Party, cinq silhouettes pour raconter la combustion plutôt que les cendres sur 'From the Pyre'.
The Last Dinner Party, cinq silhouettes pour raconter la combustion plutôt que les cendres sur ‘From the Pyre’.

Réception critique, enjeux publics

À sa sortie, le 17 octobre 2025, le disque a suscité des lectures contrastées. Une partie de la presse salue l’audace d’un deuxième album. En effet, cet album ne cherche pas à reproduire le premier. De plus, il revendique sa fièvre. D’autres voix jugent l’ensemble trop chargé, trop plein, au risque d’engloutir la mélodie. Ces réserves disent moins une faiblesse qu’une préférence esthétique. From the Pyre réclame l’adhésion à son théâtre. Il ne cherche pas la discrétion.

Côté public, la trajectoire s’inscrit dans la continuité du succès précédent. La base de fans s’est élargie. Les salles se remplissent vite. Le groupe pourrait franchir un palier symbolique en Europe continentale. Les chansons gagnent en puissance à mesure qu’elles s’outillent de choeurs et d’interludes, et la scène et le concert renforcent ce théâtre sonore. On imagine déjà le final en longues torchères. De plus, le rappel est réduit à une note tenue. Par ailleurs, c’est presque un fil de lumière dans la nuit.

Une place qui se consolide

The Last Dinner Party occupe désormais une place singulière dans la scène britannique. Leur écriture assume les ornements, leur jeu épouse la narration. L’époque aime les gestes nets. Le quintette en propose un qui ose les drapés, les cassures, les brisures d’angle. Leur réussite n’est pas une coïncidence. Elle procède d’un travail patient et de concerts où l’on apprend à tenir une salle. De plus, elle repose sur des choix de production qui refusent la facilité. Par ailleurs, elle montre un goût pour la littérature et pour l’image.

Il ne s’agit pas d’un manifeste. Il s’agit d’un album qui raconte une équipe. On y entend des individualités fortes et leur art de se mettre au service de l’ensemble. On y mesure un appétit de durée. Le groupe avance avec la conscience aiguë de ce que peut offrir un deuxième disque. Une consolidation. Une expansion. Une audace calculée.

Verdict

From the Pyre confirme le succès critique et public entamé par Prelude to Ecstasy et dessine un avenir qui refuse la prudence. Le groupe choisit la flamme, la mise en scène, l’ampleur. Il tresse la virtuosité et l’émotion avec un instinct sûr. On sort du disque comme d’une représentation, avec l’envie de revenir le voir joué à nouveau, debout, dans une salle où l’on entendra vibrer les voix et se lever les bras. Le bûcher ne brûle rien. Il éclaire. Il réchauffe. Il autorise de nouvelles métamorphoses.

Cet article a été rédigé par Pierre-Antoine Tsady.