Jean-Luc Petitrenaud, visage chaleureux et incontournable du journalisme gastronomique hexagonal, s’est éteint à l’âge de 74 ans. Louise et Antonin, ses enfants, ont annoncé son décès. C’était le vendredi 10 janvier. Ils ont précisé qu’il s’est éteint paisiblement, entouré de sa famille.
Avec lui disparaît une figure unique. Il était une icône de la cuisine télévisuelle et radiophonique. Pour lui, « faire à manger » n’était pas qu’une tâche.
C’était avant tout un art de vivre. Mais aussi, un moyen de partager.
Un amoureux du terroir et du « bien manger »
Né le 5 décembre 1950 à Clermont-Ferrand, Jean-Luc Petitrenaud grandit dans la simplicité d’un foyer modeste, où la table familiale avait des allures de festin. C’est auprès de sa grand-mère Louise, dans l’Allier, qu’il découvre les premiers frissons gustatifs. Les saveurs de la campagne auvergnate ont marqué son palais et son imagination. Le fameux pâté aux pommes de terre en est un exemple.
Plus tard, il soulignera régulièrement l’importance de sa famille. Elle a joué un rôle fondamental dans sa passion pour le « bien manger ».
Ce leitmotiv, il ne cessera de le répéter tout au long de sa carrière.
Malgré son attrait pour la gastronomie, ses débuts furent éclectiques. Après une formation en chaudronnerie et un diplôme d’éducateur spécialisé, il prend la route de la Suisse pour rejoindre une troupe de théâtre à Lausanne, puis l’école de cirque d’Annie Fratellini. Cette expérience scénique nourrit chez lui le goût du spectacle et de la mise en scène : un talent qui transparaîtra plus tard, lorsqu’il emmènera des milliers de téléspectateurs sur les chemins gourmands de France.
Une trajectoire médiatique marquée par la sincérité et la proximité
C’est à la radio que Jean-Luc Petitrenaud fait ses premières armes, en 1984, en animant des émissions locales et en devenant chroniqueur gastronomique pour la Radio suisse romande. Sa voix posée, pimentée de sa gouaille bienveillante, séduit immédiatement. Une fois de retour en France, il rejoint Europe 1. Son émission « Le Bistrot du dimanche » (1998-2014) devient son terrain privilégié.
Il y parle de petites échoppes, de grandes tables, de fermiers passionnés et de chefs audacieux.
En parallèle, il présente « Grands gourmands » sur France 3 (1997-2000). Il y démontre déjà son talent unique.
Son don est de raconter les saveurs comme on raconte une histoire.
C’est toutefois sur France 5 que Jean-Luc Petitrenaud impose sa signature visuelle et éditoriale. « Carte postale gourmande » (2000-2006) et « Les Escapades de Petitrenaud » (2006-2017) deviennent des rendez-vous hebdomadaires incontournables. Avec une caméra au poing ou un cahier à la main, il parcourt les terroirs français.
Il voyage des pentes savoyardes aux côtes bretonnes, des marchés provençaux aux bistrots parisiens.
Sa mission est de rencontrer ceux qui font la richesse culinaire de notre pays.
En tant que fervent défenseur du patrimoine culinaire français, il met en lumière les petites enseignes familiales.
Ces dernières perpétuent des traditions séculaires.
L’héritage d’un conteur de la gastronomie, dans l’histoire d’une passion française
La passion des Français pour la bonne chair et l’excellence culinaire a une longue histoire.
Elle s’illustre d’abord à la cour de Louis XIV.
Puis, elle continue sous la plume des grands cuisiniers.
Des noms comme Carême ou Escoffier en sont les parfaits exemples.
Au XXe siècle, la gastronomie est devenue un marqueur identitaire, notamment grâce aux premiers guides (Michelin en tête) et aux critiques culinaires (Curnonsky, Gault & Millau).
Avec l’arrivée de la télévision, la cuisine sort des grandes cuisines de palace pour devenir une affaire de spectacle populaire. Des émissions comme « La Cuisine des Mousquetaires » avec Maïté ou « Art et magie de la cuisine » des années 1950 ont permis de faire entrer la gastronomie dans les foyers, créant des personnalités télévisuelles devenues parfois aussi célèbres que les plats qu’elles présentaient. Petitrenaud, dans la lignée de ces pionniers, a su redonner de la proximité à un art parfois jugé élitiste, en racontant chaque plat comme un récit de vie.
Outre la télévision et la radio, Jean-Luc Petitrenaud laisse derrière lui une vingtaine d’ouvrages, tous empreints de cette curiosité gourmande et de ce sens de la narration qui le caractérisaient. Le Guide du casse-croûte, Mes Bons coups de fourchette, ou encore Promenades gourmandes célèbrent la simplicité des produits de terroir, la proximité entre le cuisinier et le producteur, ainsi que la joie universelle de partager une bonne table. En 2016, Bienvenue chez moi révéla davantage son parcours personnel, ponctué de saveurs d’enfance et d’anecdotes croustillantes. Son dernier livre, Les Quatre saisons d’Émile et Marcelle (2018), emprunta le chemin de la fiction, sans toutefois trahir l’essence du récit familial et culinaire.
Un bâtisseur de ponts entre cuisine populaire et haute gastronomie
Fait Chevalier de la Légion d’honneur en 2004 par Jacques Chirac, Jean-Luc Petitrenaud rejoignait alors les rangs d’illustres confrères ayant fait rayonner la culture française à l’international. À l’instar de Maïté, disparue il y a trois semaines, il appartient à cette génération de passionnés qui ont ouvert la gastronomie à tous : grâce à eux, l’idée qu’un bon repas puisse se préparer avec peu de moyens, mais beaucoup d’astuce et de cœur, s’est solidement ancrée dans l’imaginaire collectif.
Avec la disparition de Jean-Luc Petitrenaud, c’est un peu de cette convivialité et de cette gourmandise simple qui s’éteint. Pour beaucoup, ses émissions allaient bien au-delà du divertissement : elles initiaient au goût, invitaient au voyage et tissaient un lien inestimable entre producteurs, cuisiniers et convives. Sous sa plume ou devant la caméra, il rendait hommage au patrimoine culinaire français.
Ce patrimoine est reconnu par l’UNESCO.
Il est classé au rang de trésor culturel immatériel. Il savait comme nul autre sublimer « trois fois rien » pour que le spectateur ressente toute la magie d’un repas partagé.
En partant, Jean-Luc Petitrenaud laisse ainsi une empreinte indélébile dans le paysage gastronomique : un héritage de saveurs et de mots, prompt à inspirer les nouvelles générations de cuisiniers, d’animateurs ou tout simplement d’amoureux de la table.
Que chacun l’honore à sa manière : en levant son verre, en partageant un plat de terroir, ou en redécouvrant, grâce à la magie de la télévision, ses parcours gourmands qui avaient le don de faire voyager nos papilles.