
À Drouant (Paris), ce 4 novembre 2025 peu après midi, l’Académie Goncourt a couronné Laurent Mauvignier pour ‘La Maison vide’ (Prix Goncourt 2025), publié aux Éditions de Minuit (Minuit), au premier tour par 6 voix contre 4. Favori depuis ses prix de rentrée, Le Monde, Nancy – Le Point et Landerneau. L’écrivain de 58 ans voit son roman-fleuve entrer dans la lumière. Un bandeau rouge, bientôt des foules de lecteurs.
Un mardi de novembre à Drouant, au cœur de la liturgie littéraire
Le jour où l’on prononce le nom d’un lauréat du Goncourt 2025, la lumière de midi change d’étoffe autour de Drouant (Paris), dans le IIe arrondissement. Des marches aux salons lambrissés, l’attente reste une musique discrète. Ce 4 novembre 2025, le président de l’Académie Goncourt, Philippe Claudel, paraît sur le perron. Les caméras s’alignent et la foule se tasse. Le verdict tombe, net, presque chuchoté et pourtant ample. Laurent Mauvignier l’emporte pour ‘La Maison vide’ (Prix Goncourt 2025). Le livre, déjà porté par la critique, entre dans son moment de pleine visibilité.
Un premier tour tranché, six voix contre quatre
La décision a la netteté d’un coup d’archet. Les dix jurés ont voté et la majorité s’est dessinée dès le premier tour, 6 voix pour Mauvignier contre 4 pour Caroline Lamarche, finaliste avec Le Bel obscur. L’Académie réunit une distribution précise d’écrivains et d’éditeurs, sous l’autorité d’un président discret et ferme. Philippe Claudel garantit l’épure d’un vote à huis clos, suivi d’une annonce publique vers 12 h 50–13 h. La cérémonie a son économie propre : au lauréat, un chèque symbolique de 10 €, et surtout l’assurance d’un destin en librairie. Les précédents l’enseignent : l’onde de plusieurs centaines de milliers d’exemplaires n’est pas un mythe. C’est une courbe qui se vérifie presque chaque année et qui bouleversera, une fois encore, le calendrier des tirages.
Le protocole tient en peu de gestes et beaucoup d’attention : le repas, la délibération, l’enveloppe, puis la sortie sur les marches. À l’instant où le nom est prononcé, les micros captent plus qu’une information : un basculement. Ce score 6–4 dit une préférence nette, sans écraser le débat. Il rappelle que le Goncourt 2025 n’est pas le résultat d’un consensus fade. Au contraire, c’est l’issue d’une conversation exigeante. Dans cette conversation, on tranche pour un certain idéal de roman.
Une favorite qui tenait la corde depuis septembre
Le nom circulait depuis la rentrée. ‘La Maison vide’ (Prix Goncourt 2025) avait déjà remporté le Prix littéraire ‘Le Monde’ 2025. De plus, il a gagné le Prix des libraires de Nancy – Le Point et le Prix Landerneau des lecteurs. Cette trajectoire avait installé l’ouvrage en position de force à l’approche de Drouant. L’écrivain n’a pas cherché l’embrasement médiatique ; c’est la constance de son œuvre, la fidélité à une maison d’édition exigeante, Minuit, et la densité d’un livre d’environ 750 pages, qui ont imposé l’évidence. La critique, sans emphase, avait reconnu l’ambition d’une chronique. Celle-ci tient à la fois de l’enquête intime et de la mémoire recomposée.
Chacun de ces prix dit quelque chose de la réception. Le Monde distingue l’ampleur d’un roman d’idées sensibles. Nancy – Le Point signale l’adhésion d’un réseau de libraires attentifs aux textes de fond. Landerneau fait entendre la voix des lecteurs. En effet, il rappelle qu’un livre de cette ampleur peut conquérir au-delà des cercles avertis. Ce trépied critique, professionnel et populaire a servi de tremplin : à Drouant (Paris), il ne restait plus qu’à confirmer.
Le roman : un labyrinthe de filiations et de silences
On entre dans ‘La Maison vide’ (Prix Goncourt 2025) comme on pousse une porte ancienne. Ainsi, on ressent un respect instinctif pour les voix qui y sommeillent. La saga court sur quatre générations, dans une campagne française traversée par les secousses du siècle. Les deux guerres mondiales ne forment plus une succession mais un continu, un long remous qui altère les gestes, les fidélités et la manière même de regarder les vivants. Au centre, un médaillon de la Légion d’honneur et un visage manquant sur une photographie offrent deux énigmes. Ainsi, ces énigmes minuscules et tenaces servent de base à l’architecture du récit. Mauvignier refuse l’escalier monumental des intrigues hiérarchisées ; il adopte une horizontalité qui laisse chaque personnage respirer à son rythme. Le secret passe d’une bouche à l’autre, comme une monnaie brûlante. Par conséquent, le roman tient ses promesses d’investigation littéraire autant que de roman de filiation. La narration privilégie les angles morts et les reprises, un pas en avant, un retour. Ainsi, elle fait sentir que la vérité d’une lignée tient autant à ce qui manque qu’à ce qui se dit. Dans la cuisine aux carreaux dépareillés, une voix de petite-fille bute sur le mutisme de l’aïeul ; au grenier, des lettres tachées déplacent les certitudes. La maison devient une acoustique.

Drouant, scène et mémoire d’un prix
Le restaurant Drouant (Paris), dans le quartier de l’Opéra, n’est pas seulement un décor. Il fait office d’horloge. C’est là que se joue l’année littéraire, au sens précis. Un jour à Paris, mesure la distance entre une œuvre et son public. La maison a ses salons nommés, ses banquettes familières, sa bibliothèque où les jurés se retirent. C’est aussi un lieu de regard, une tribune sur la ville. Drouant a appris à faire taire le vacarme autour de lui, pour laisser, à l’heure dite, la voix du président prononcer quelques mots qui déplacent le centre de gravité de la saison.
Dans l’escalier, on croit encore entendre les échos des palmarès précédents ; le velours et le bois gardent mémoire des heures décisives. Le lieu attire la presse, les passants et les lecteurs. Ils viennent partager ce court moment où un roman change de statut. Drouant ne fabrique pas le prestige ; il lui offre un théâtre. À la sortie, Paris redevient la ville ordinaire, mais le livre, lui, entre dans une durée différente.
Le visage d’un écrivain : constance et métamorphose
Laurent Mauvignier publie depuis la fin des années quatre-vingt-dix, presque toujours chez Minuit. Sa langue s’est forgée contre les évidences, dans un souffle narratif qui aime les réfractions et l’écoute. Elle montre de l’empathie pour ceux qui parlent bas. Il vient d’une France des attaches où les traumatismes collectifs ne s’énoncent qu’à la marge. Les familles portent, sans toujours les nommer, les traces de l’histoire. L’auteur a souvent interrogé le groupe, la horde, le village, le quartier, ces micro-sociétés où se décisionne le sort des plus fragiles. L’œuvre a bâti un territoire fidèle, allant des stades de football de Dans la foule. Elle s’étend au traumatisme algérien de Des hommes. Elle inclut également les nuitées de terreur d’Histoires de la nuit. ‘La Maison vide’ (Prix Goncourt 2025) y ajoute un plan supplémentaire : la généalogie comme enquête et la mémoire comme architecture.
Les autres finalistes et l’éthique d’un choix
La shortlist de cette année rassemblait Caroline Lamarche avec Le Bel obscur, Emmanuel Carrère avec Kolkhoze, et Nathacha Appanah pour La nuit au cœur. Quatre œuvres différentes quant au timbre et à l’angle, mais un point commun : une ambition narrative qui refuse les raccourcis. La victoire de Mauvignier, nette mais disputée, n’annule pas la conversation des textes ; elle la prolonge. Elle exprime la confiance d’un jury envers un roman. Ce dernier valorise le travail de la phrase au cœur de son économie. De plus, elle ne sacrifie pas le plaisir de lecture.
Chez Lamarche, une écriture au clair-obscur explore les zones de vacillement du désir et de la mémoire. Carrère poursuit, sous d’autres latitudes, son art du récit qui mêle enquête et introspection. Appanah, déjà saluée ailleurs cet automne, travaille le motif de la nuit et de ses peurs avec une précision presque musicale. Le choix du jury, en préférant ‘La Maison vide’ (Prix Goncourt 2025), ne dément pas ces forces ; il affirme que, cette année, l’élan allait vers la filiation comme boussole du présent.
L’économie du bandeau rouge
Le prix Goncourt ne récompense pas avec des chiffres, il provoque des chiffres. L’avance de tirage, les réimpressions et la mise en place nationale forment un ballet bien connu des libraires. Ensuite, la traduction dans des langues étrangères s’ajoute à ce processus. Le fameux bandeau rouge s’adresse au lecteur pressé. Dans les années récentes, l’effet se mesure couramment en plusieurs centaines de milliers d’exemplaires. Cela concerne l’année qui suit. Minuit devra orchestrer cette montée en puissance avec son sens de la mesure ; dans les rayons, ‘La Maison vide’ (Prix Goncourt 2025) attirera vers l’œuvre antérieure.
Cette mécanique mobilise toute la chaîne du livre : imprimeurs qui s’ajustent aux délais et diffuseurs qui redistribuent les stocks. De plus, les librairies indépendantes refont leurs tables, tandis que les plateformes relaient et les droits étrangers s’ouvrent. Le bandeau n’est pas qu’un signal marketing ; c’est une promesse de conversation. Quand il s’installe sur un titre de Minuit, il réoriente l’attention du grand public. Ainsi, il met en avant une tradition de prose qui privilégie la tenue et la concision.
Une année de distinctions, l’amont d’un Goncourt
La faveur critique n’est pas une garantie, mais elle prépare les conditions d’une adhésion plus large.Le Monde avait déjà distingué ‘La Maison vide’ (Prix Goncourt 2025) en septembre. Ensuite, il a reçu le Prix des libraires de Nancy – Le Point ainsi que le Prix Landerneau des lecteurs. Cette série a installé les mots de Mauvignier au centre de la conversation littéraire de l’automne. Ici, on mesure comment les prix se répondent. Cela aggrave la rumeur des livres et dessine temporairement une géographie de lecture.
Renaudot, l’autre annonce « dans la foulée »
Au même endroit, juste après la proclamation du Goncourt, le prix Renaudot a salué Adélaïde de Clermont-Tonnerre pour Je voulais vivre. Drouant reprenait son souffle à peine une poignée de minutes. Cette coordination n’est pas une anecdote : elle révèle la proximité des deux prix d’automne. Parfois, elle montre aussi la rivalité feutrée entre eux. De plus, elle illustre comment ils structurent le récit collectif du livre en France.
Ce que le roman déplie
Dans ‘La Maison vide’ (Prix Goncourt 2025), l’entrée se fait par les silences. De plus, les objets modestes retiennent la mémoire. Le récit fait affleurer la filiation par fragments, au fil d’images abîmées, d’archives familiales et de gestes hésitants. La phrase avance, revient, déplace le cadre, jusqu’à rendre sensible comment les guerres et la violence reconfigurent les liens. Ce n’est pas un roman à énigme, mais une enquête sensible où l’essentiel se joue dans l’ombre des mots. On referme le livre en pensant que le manque n’est pas une lacune. En effet, c’est l’une des formes de la mémoire.

Itinéraire d’un écrivain
Né en 1967, Laurent Mauvignier a fait de Minuit son port d’attache. Apprendre à finir lui avait valu, dès 2000, une reconnaissance singulière. Des hommes l’avait installé comme un explorateur des post-mémoires. Histoires de la nuit avait confirmé sa puissance romanesque. Théâtre, scénarios, adaptations : l’œuvre circule d’un genre à l’autre avec la même obstination à regarder le monde de biais, depuis ses cassures minimes. La maladie, qu’il a mentionnée récemment, n’a pas freiné son élan. Cependant, elle l’a peut-être rapproché des zones où le corps tremble et où la langue se tend.
Ce que révèle un Goncourt
Chaque Goncourt éclaire son époque. En 2025, l’Académie récompense un roman qui évite le pastiche de l’archive. Elle privilégie la montée lente d’une phrase imprégnée par l’histoire. Mauvignier ne cède pas à l’actualité bruyante. Il enregistre les retours, les échos. Il illustre ce qui reste inavoué durant les fêtes officielles, et accorde à ses personnages la dignité du silence. Ainsi, il révèle l’importance des non-dits dans les interactions humaines. L’effet en librairie sera tangible, mais l’essentiel se joue ailleurs : dans l’intimité des lectures à venir, où des milliers de lecteurs éprouveront cette sensation rare d’un livre qui respire.
Le palmarès dit aussi quelque chose du pays lecteur. Il entérine un calendrier de désir : rentrée de septembre, joutes d’automne, foyers de l’hiver. Il rappelle que le roman peut encore faire événement, sans crier, en déplaçant la langue et les regards. ‘La Maison vide’ (Prix Goncourt 2025) rejoint les titres qui font date, non par fracas, mais par persistance. Ce roman se distingue par sa capacité à marquer durablement sans bruit.
Comparaisons récentes, continuité d’un palmarès
La continuité du palmarès raconte à sa manière l’évolution des sensibilités. Après une édition 2024 marquée par un roman influencé par l’histoire et le débat public, 2025 confirme la vigueur. Le roman de filiation et une prose qui explore plus qu’elle ne démonte continuent à se démarquer. Cette prose déplace le regard sans hausser la voix.
Après l’annonce, un pays de librairies
On imagine déjà la déambulation du lauréat de signature en signature. Les salles des librairies seront pleines, et la presse régionale s’y invitera. Les lecteurs viendront exprimer ce que le livre a saisi d’eux. Il faudra du temps pour que l’onde se stabilise, pour que l’on sache comment ‘La Maison vide’ (Prix Goncourt 2025) aura déplacé la carte de nos lectures. D’ici là, la chaîne du livre se met en mouvement, et les rendez-vous d’hiver feront place au roman dans des vitrines où, demain, le rouge du bandeau donnera le la aux regards.