Frida Kahlo continue de marquer l’art. Personnalité hors norme, sa vie, bien que courte, fut marquée par la souffrance et les désillusions. C’est à travers ses œuvres d’art qu’elle a exprimé ses tortures autant physiques que psychiques. Emblème du body positivity et icône LGBT avant l’heure, elle laisse le souvenir d’une femme visionnaire. De 2023 à 2024, la ville de Paris lui rend hommage avec deux expositions, reconnaissance rare pour une artiste femme. Reconnue comme une figure majeure du surréalisme, Frida Kahlo renaît une fois de plus. Mais qui est Frida Kahlo ? Autopsie d’un mythe absolu.
Une vie de souffrances
Son prénom original, elle le doit à son père, émigré allemand en terre aztèque. Dans sa langue natale, "Friede" signifie la paix. Dès sa naissance, en 1907, ce choix de prénom suscite des querelles. Ne figurant pas dans le calendrier des saints, le prêtre menace de lui refuser le baptême. Ce sera donc Magdalena Carmen Frieda pour l’église, mais Frida pour les intimes.
Elle a grandi à Coyoacán, une province de Mexico, dans la "Maison bleue" où elle vivra toute sa vie. Profitant de sa curiosité, son père juge bon de lui enseigner la photographie.
Malheureusement, à six ans, elle est touchée par une poliomyélite, ce qui laisse sa jambe droite atrophiée. Son pied cesse de grandir, ce qui lui vaudra le surnom de "pata de palo" ["jambe de bois", ndlr.].
En 1925, le destin frappe à nouveau Frida Kahlo. Victime d’un grave accident, elle est dans un autobus quand un tramway les percute, elle et son ami. Par conséquent, le bus explose. Frida subit de multiples blessures : jambes brisées, colonne vertébrale endommagée, et un pied transpercé par une barre de fer.
Après l’accident, Frida passe plusieurs mois à l’hôpital. Elle se retrouve contrainte à porter un corset, qu’elle ne quittera plus jusqu’à la fin de sa vie.
Durant sa convalescence, Frida Kahlo trouve refuge dans la peinture. Elle décide de se consacrer à cet art pour témoigner de sa vie et de ses épreuves.
Reine de l’autoportrait
Les inspirations de Frida Kahlo
Frida Kahlo s’inspire d’elle-même et aspire à devenir une artiste à part entière.
Pour protéger sa colonne vertébrale fragile, elle peint sur un chevalet fabriqué sur mesure, lui permettant de travailler allongée.
Ses parents installent un miroir au plafond. Ce dispositif met déjà l’autoportrait au centre de son œuvre. En se peignant, elle exprime ses souffrances personnelles. Sa peinture devient l’exutoire de sa douleur.
Frida Kahlo pose dans des costumes traditionnels pour ses autoportraits. Elle est l’une des premières femmes artistes à se peindre, anticipant le narcissisme de notre époque : l’art du selfie avant l’heure.
Elle réalise plus d’une cinquantaine d’autoportraits, soit presque la moitié sa production artistique. L’un de ses autoportraits les plus connus reste Autoportrait au collier d’épines et colibri.
L’éléphant et la colombe
En 1928, Frida Kahlo rencontre Diego Rivera, un peintre mexicain de vingt ans son ainé. Peintre muraliste célèbre, il remarque tout de suite la beauté singulière de Frida.
Ils se marieront un an plus tard et Frida Kahlo impose Diego à ses parents. Sa maman dira que "c’est l’éléphant qui épouse la colombe". En effet, le couple est dépareillé : Frida a du style, en plus d’être rayonnante et coquette. À l’inverse, Diego, quoique grand, est enrobé et peu gracieux. Et il a surtout le double de son âge !
Très vite, leur relation devient tumultueuse. Frida est subjuguée par cet homme, follement amoureuse, mais souvent malheureuse.
Volage, Diego ira même jusqu’à la tromper avec sa jeune sœur Cristina. Ce que Frida ne lui pardonnera jamais : "J’ai subi deux graves accidents dans ma vie. L’un dans lequel un tramway m’a renversé. L’autre, ce fut Diego" dira-t-elle. Et malgré la notoriété du couple, Frida restera maintenue dans l’ombre de Diego.
En 1938, elle rencontre André Breton et son épouse Jacqueline Lamba. "L’art comme un ruban autour d’une bombe", diront-ils. Cette rencontre va changer sa carrière.
Grâce au vaste réseau du couple, Frida Kahlo se fait connaître et ses tableaux suscitent de l’intérêt. Dès lors, Frida se consacre exclusivement à sa peinture. Elle expose pour la première fois en 1953 à la Galerie d’Art Contemporain de Mexico, un an avant sa mort.
L’histoire d’amour de Frida Kahlo et Diego Rivera est marquée par un engagement politique profond. Ensemble, ils soutiennent le communisme et les idées révolutionnaires. Tous deux deviennent membres du parti communiste.
Frida Kahlo embrasse également la cause des populations autochtones de son pays. Après son mariage, elle abandonne l’habit occidental, dont les costumes d’hommes qu’elle arborait parfois. Elle préfère désormais des robes colorées propres aux tribus mexicaines.
En tant qu’icône de mode, Frida Kahlo s’affirme déjà comme une femme au style non-binaire. Par ses préférences vestimentaires variées, elle incarne la liberté, tant dans sa vie que dans son art.
Une icône d’une étonnante modernité
La célébrité de Frida Kahlo dépasse son talent artistique. Son exploration de la bisexualité à une époque conservatrice a fait d’elle une icône LGBT. Ses œuvres abordent l’infertilité, les fausses couches et le plaisir sexuel…
Attirée par les beaux esprits, qu’ils soient féminins ou masculins, Frida Kahlo transgresse les genres.
Aujourd’hui, ses singularités continuent de nous séduire : les jeunes accumulent les accessoires à son effigie et certains assument le monosourcil. L’acceptation de ces différences en a fait l’une des premières représentantes du mouvement body positive.
Qu’est-ce que le body positive ?
Le body positive est un mouvement qui prône l’acceptation et l’appréciation de tous les corps, indépendamment de leurs formes, tailles ou apparences. Il vise à lutter contre les standards de beauté irréalistes et à promouvoir la confiance inconditionnelle en soi.
Son influence culturelle
Aujourd’hui, les œuvres de l’artiste sont considérées comme de véritables chefs-d’œuvre. Frida Kahlo a su se faire une place parmi les grands maîtres et artistes influents de son temps. Elle est une grande figure du surréalisme. Ce mouvement artistique permet aux peintres de représenter leur vie de manière brute et d’explorer des thèmes sociaux.
Un fait notable pour la postérité de Frida Kahlo : le 18 septembre 2024, une grande exposition immersive lui sera dédiée à Paris, au Grand Palais. Cette exposition sera présentée jusqu’au 2 mars 2025, succédant à celle du Palais Galliera, qui s’est achevée en mars 2023. Frida se voit offrir deux expositions simultanées, ce qui est rare pour une artiste.
Conçue comme une plongée multisensorielle dans la vie et l’univers de la peintre, cette expérience est unique. Elle est déjà renommée à travers le monde. Cette exposition a récolté quatorze prix internationaux. Bien que ce ne soit pas la première exposition immersive, celle-ci se distingue par des projections à 360 degrés de plus de cent œuvres, photos, documents d’archives et animations ; le tout accompagné d’une bande-son originale composée par Arturo Cardelus.
Racontant la vie de Frida Kahlo, l’exposition dévoile son journal intime. On y découvre également des points de vue inédits sur ses peintures. Cette exposition-spectacle a déjà été présentée à Madrid, au Royaume-Uni, en Argentine et en Colombie. Saluée par la critique et le public, l’exposition connaît un succès international. Alors, encore un peu de patience… ça arrive très bientôt à Paris.
Comment est morte Frida Kahlo ?
Frida Kahlo a beaucoup souffert physiquement et moralement tout au long de sa vie. Son corps blessé l’a conduite à l’enfer de l’alcool et de la drogue. Comme nous l’avons vu, sa relation passionnelle et dévastatrice avec Diego Rivera a marqué son existence et son art.
En août 1953, Frida a dû subir l’amputation de sa jambe droite jusqu’au genou en raison d’une gangrène. Cette opération a apaisé ses souffrances physiques, mais l’a plongée dans une profonde dépression. Dans son journal, elle écrit : "On m’a amputé la jambe il y a six mois qui me paraissent une torture séculaire et quelques fois, j’ai presque perdu la tête. J’ai toujours envie de me suicider. Seul Diego m’en empêche, car je m’imagine que je pourrais lui manquer. Il me l’a dit, et je le crois. Mais jamais de toute ma vie je n’ai souffert davantage. J’attendrai encore un peu…"
Affaiblie par une grave pneumonie, Frida Kahlo meurt dans la nuit du 13 juillet 1954, à l’âge de 47 ans ; officiellement d’une embolie pulmonaire. Cependant, certains de ses amis ont cru que sa mort était due à une surdose de médicaments, possiblement intentionnelle. Les derniers mots de son journal : "J’espère que la sortie sera joyeuse… et j’espère bien ne jamais revenir", ainsi que son dernier dessin suggèrent qu’elle aurait pu se suicider.
Frida a été incinérée le lendemain, conformément à ses dernières volontés. Elle ne voulait pas être enterrée couchée, ayant trop souffert dans cette position à l’hôpital. Ses cendres reposent dans la Casa Azul à Coyoacán, sur son lit, dans une urne à l’effigie de son visage.
Depuis sa mort, Frida Kahlo est devenue un mythe. Madonna possède des œuvres de la peintre qu’elle et Jean-Paul Gaultier admirent. Ce dernier s’en est inspiré pour son défilé de 1998. Bien que Madonna ait souhaité interpréter Frida Kahlo au cinéma, c’est finalement Salma Hayek qui a obtenu le rôle. Le film Frida, réalisé par Julie Taymor et sorti en 2002, est plutôt réussi.
Aujourd’hui, on parle de "Fridamania" en référence aux nombreux objets créés à son effigie, tels que les coussins, les bandeaux pour les cheveux et les tee-shirts.
Frida Kahlo, malgré ses 47 ans de vie, a laissé une empreinte indélébile dans l’art et la mode. Ses convictions féministes et son désir d’émancipation font d’elle l’une des peintres les plus célèbres au monde.