
L’Eurovision 2025 se tient à Bâle, en Suisse, pour une 69e édition sous haute tension. Le concours de la chanson européenne ne se limite pas aux performances vocales. Il reflète aussi des enjeux politiques, culturels et géopolitiques profonds. Chaque année, les préférences nationales influencent subtilement le décompte des points. De plus, les amitiés historiques et les différends anciens jouent un rôle important.
Depuis 1957, près de 108 000 points ont été attribués. Un quart d’entre eux est allé à un pays voisin. Ainsi, la Suède reste le pays le plus plébiscité par ses voisins nordiques. Mais la proximité géographique ne suffit pas. La culture commune, la langue partagée ou une industrie musicale similaire pèsent aussi lourd dans la balance.
Au fil des décennies, l’Eurovision est devenu un baromètre singulier de l’Europe contemporaine. Les tendances musicales y croisent les courants identitaires, les choix esthétiques s’y heurtent aux intérêts diplomatiques. Un micro tendu au monde entier, le temps d’une soirée où chaque voix compte.
Des votes révélateurs de dynamiques régionales
Certains votes sont emblématiques de bloc géopolitique. Les pays de l’ex-URSS, tout comme ceux de l’ex-Yougoslavie, s’accordent souvent leur préférence. La Grèce et Chypre, par exemple, échangent généreusement leurs points : en moyenne 18,4 contre 19,2 chaque année depuis 2016. À l’inverse, le conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie se traduit par un quasi-silence électoral.
Des asymétries marquent aussi l’histoire du concours. L’Allemagne, grâce à son importante diaspora turque, a donné beaucoup plus de points à la Turquie que l’inverse. Le même phénomène apparaît dans les votes de la France pour le Portugal. En effet, elle lui attribue trois fois plus de points qu’elle n’en reçoit.
Ces votes, loin d’être anecdotiques, racontent l’intimité des peuples. Ils tissent des filiations invisibles, des reconnaissances implicites, parfois des oublis volontaires. L’Eurovision devient alors un miroir fragmenté de l’Europe, reflétant ses solidarités et ses blessures.
Louane, la voix française en finale
Louane représentera la France avec la ballade maman. Sa prestation lors de la deuxième demi-finale a été saluée. Du liège tombait autour d’elle, dans une mise en scène sobre et poétique. Elle se produira en 24e position, une place réputée favorable selon les experts. Le vote se fait via l’application officielle, le site esc.vote ou par SMS.
Forte d’une popularité acquise depuis le film La Famille Bélier, Louane incarne une génération connectée à ses émotions. Sa voix fragile, son regard doux et sa sincérité scénique pourraient toucher le public européen. Le choix de la chanson maman résonne comme une lettre intime envoyée au continent.

Parmi les favoris, on retrouve l’Autrichien JJ, l’artiste finlandaise Erika Vikman ou encore le groupe britannique Remember Monday. L’Ukraine, après sa victoire symbolique en 2022, est de nouveau en lice, portée par une forte solidarité européenne. Le groupe Kalush Orchestra, vainqueur il y a trois ans, a laissé une empreinte durable dans l’imaginaire collectif.
Une scène d’hommage et de suspense
La présence possible de Céline Dion, gagnante de l’édition 1988 pour la Suisse, est entourée de mystère. Un message vidéo émouvant diffusé lors de la première demi-finale laisse planer le doute. Atteinte du syndrome de la personne raide, la chanteuse québécoise n’a pas confirmé sa venue mais exprime son attachement au concours.

Pour beaucoup, sa possible apparition serait un hommage bouleversant. Céline Dion incarne un lien entre l’ancien et le nouveau continent, entre tradition francophone et succès globalisé. Sa voix, reconnaissable entre toutes, symbolise aussi l’excellence vocale que l’Eurovision revendique toujours.
Un concours toujours plus politique
L’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 avait bouleversé les équilibres. La Russie fut exclue, l’Ukraine triompha grâce à un vote massif du public. Ces événements rappellent que l’Eurovision, au-delà du divertissement, est aussi une scène diplomatique. Les choix des jurys comme du public révèlent des préférences, des solidarités mais aussi des tensions persistantes.
En 2019, le choix de Madonna comme invitée avait déjà suscité la controverse. Ses danseurs avaient affiché les drapeaux israélien et palestinien dans un même tableau. L’Eurovision est regardé par 180 millions de téléspectateurs : une tribune où l’implicite vaut souvent manifeste.
Bâle : capitale d’un soir, capitale symbolique
Ce samedi 17 mai, les projecteurs seront braqués sur Bâle. 26 pays tenteront de convaincre à la fois les professionnels et les citoyens d’Europe. La ville suisse, frontalière avec la France et l’Allemagne, résume en elle-même la complexité européenne. Carrefour culturel, havre de neutralité, Bâle incarne le paradoxe de cette Europe qui doute d’elle-même mais persiste à chanter ensemble.
Derrière les paillettes et les refrains entraînants, c’est aussi une certaine idée de l’Europe qui se joue. Une Europe de la musique, des peuples et des identités partagées. Une Europe en quête d’harmonie, sur une scène où chaque voix tente de trouver sa place.