« Emmanuelle » : un retour justifié, 50 ans après ?

Noémie Merlant devant un fond bleu

Cinquante ans après l’incontournable Emmanuelle de Just Jaeckin, Audrey Diwan se lance dans un remake avec Noémie Merlant en tête d’affiche. Mais soyons honnêtes : fallait-il vraiment dépoussiérer cette œuvre érotique mythique ? N’est-ce pas un peu comme ressortir un vieux vinyle en espérant qu’il devienne un tube des années 2020 ? Le film, sorti ce 25 septembre 2024, se présente comme une réinvention moderne, avec une touche féministe. Le tout promet d’être à la fois « sensuel » et « introspectif », bien que ce mot fasse parfois plus penser à une conférence TED qu’à un thriller érotique.

Emmanuelle – Bande-annonce officielle HD

Le féminisme dans un film érotique ? Really ?

En 1974, Just Jaeckin a déshabillé la censure avec Emmanuelle, un film loin d’être un chef d’œuvre qui nous a tout de même offert des plages exotiques, des draps froissés et Sylvia Kristel dans le rôle d’une jeune femme partant à la conquête de ses désirs. Quarante-cinq millions de spectateurs plus tard, l’impact est indéniable, mais fallait-il vraiment une version 2.0 pour rappeler à tout le monde que la découverte de soi n’a rien perdu de son exotisme ?

Dans ce remake, Audrey Diwan nous promet une exploration « active » du plaisir féminin – parce que, visiblement, ça manquait de consentement et de girl power dans les années 70. Ce qui est évidemment louable, mais n’aurait-on pas pu laisser Emmanuelle dormir tranquille sur son hamac en osier ? On sait que « réinvention » rime souvent avec « faut bien justifier le budget », et si le film ne vous transporte pas, au moins vous saurez que c’est pour une noble cause.

Noémie Merlant, une Emmanuelle « woke »

D’abord, il faut reconnaître que Noémie Merlant est un choix judicieux. Connue pour sa prestation intense dans Portrait de la jeune fille en feu, elle reprend ici un rôle qui, en 1974, consistait surtout à fixer l’horizon les cheveux au vent. Dans cette version 2024, elle n’est plus une femme objet dont on abuse, mais une professionnelle dans l’hôtellerie de luxe à Hong Kong, évidemment. Parce que quand on se réinvente, autant le faire dans les grandes largeurs. Fini le couple qui explore ses fantasmes, ici Emmanuelle est en quête de « connexion avec son corps », à croire que les forfaits de spa n’étaient pas encore disponibles dans les années 70.

Du sexe, mais en mode thriller cette fois

Audrey Diwan fait ici un pari risqué : comment garder l’essence érotique tout en évitant les clichés ? Plutôt que de multiplier les scènes de sexe explicites, la réalisatrice a opté pour des moments plus subtils, à tel point qu’on se demande parfois si on regarde un film ou si c’est simplement un remake d’une pub pour des crèmes hydratantes.

La grande innovation réside dans l’approche sonore – oui, sonore. Les gros plans sur la peau s’accompagnent d’une « partition sonore » censée faire vibrer le spectateur comme jamais. Imaginez In the Mood for Love, mais avec plus de nudité et une bande-son qui rivalise avec vos playlists de relaxation Spotify. Peut-être est-ce là que réside le génie caché de cette version : si le film ne vous émeut pas, vous repartirez détendu, comme après une séance d’ASMR.

Mais pourquoi refaire Emmanuelle ?

Nous vivons dans une ère post-#MeToo où la redéfinition du rôle de la sexualité féminine à l’écran est essentielle. Et qui sommes-nous pour dire qu’il ne fallait pas appliquer cela à Emmanuelle ? Mais après cinquante ans, la question se pose : le remake apporte-t-il vraiment quelque chose de neuf ou n’est-il qu’un exercice de style sous couvert de modernité ? Pour beaucoup, la version originale aura suffi à assouvir leur curiosité sur l’érotisme à la française. Pour d’autres, peut-être est-ce l’occasion d’assister à une version plus engagée. Mais une chose est sûre : qu’on aime ou pas, l’existence même de ce film ne manquera pas de faire débat.

Alors si vous vous demandez si vous devez aller voir Emmanuelle 2024, la réponse dépend de ce que vous attendez : si vous êtes en quête d’une exploration sensorielle et subtile du plaisir féminin, ce film pourrait bien être pour vous. Sinon, vous pourriez tout aussi bien revoire l’original et passer la soirée à regarder des rideaux flotter langoureusement dans la brise tropicale.