Reprise silencieuse ou illusion monétaire ? Ce que dit le dernier rapport de la Banque de France

Symbole de stabilité depuis 1800, la Banque de France abrite l’un des baromètres les plus discrets mais puissants de l’économie : l’agrégat monétaire M3. C’est derrière ces murs que s’observe, dans le silence des courbes, le frémissement d’un pays qui hésite entre reprise et attentisme.

Après deux années marquées par la crise énergétique, l’économie française semblait engourdie. De plus, l’envolée de l’inflation a accentué cette situation. En outre, la flambée des taux d’intérêt a contribué à cet engourdissement économique. Pourtant, les derniers indicateurs publiés par la Banque de France en mai 2025 dévoilent une timide reprise : hausse de la masse monétaire, regain du crédit aux entreprises, rebond des dépôts bancaires. Autant de signaux qui laissent entrevoir un possible changement de rythme.

La masse monétaire M3 : un indicateur à la hausse

Souvent ignoré du grand public, l’agrégat monétaire M3 regroupe billets, comptes courants, livrets d’épargne et placements à court terme. En mai 2025, cet agrégat progresse de 2,3 % sur un an. Par ailleurs, cette progression contraste avec celle de 0,2 % enregistrée en avril. Ce sursaut, relevé dans le dernier bulletin mensuel de la Banque de France de juin 2025, peut signifier que plus d’argent circule dans l’économie : ménages qui consomment davantage, entreprises qui réinvestissent, banques qui prêtent plus.

Symbole de stabilité depuis 1800, la Banque de France abrite l’un des baromètres les plus discrets mais puissants de l’économie : l’agrégat monétaire M3. C'est derrière ces murs que s'observe, dans le silence des courbes, le frémissement d'un pays. En effet, ce pays hésite entre reprise et attentisme.
Symbole de stabilité depuis 1800, la Banque de France abrite l’un des baromètres les plus discrets mais puissants de l’économie : l’agrégat monétaire M3. C’est derrière ces murs que s’observe, dans le silence des courbes, le frémissement d’un pays. En effet, ce pays hésite entre reprise et attentisme.

Pour l’économiste Agnès Bénassy-Quéré, interrogée par Le Monde, « la progression de M3 traduit souvent un regain d’activité, mais il faut rester prudent : l’inflation élevée peut aussi gonfler artificiellement cet indicateur. »

Les entreprises, premiers moteurs du frémissement

La reprise du crédit concerne surtout les sociétés non financières, c’est-à-dire les entreprises productives. Leurs encours de crédits ont augmenté de 2,1 % sur un an. C’est la plus forte progression depuis plus d’un an. Cela représente près de 29 milliards d’euros injectés dans l’économie. Selon la Banque de France, cette hausse s’explique par l’adaptation progressive des entreprises à des taux d’intérêt élevés. En outre, elle est due à la nécessité de relancer l’investissement après plusieurs trimestres d’attentisme.

Chaque jour, la Banque de France vérifie, trie et recycle jusqu’à 3 millions de billets. Un geste banal, mais révélateur : la masse monétaire qui circule est un thermomètre vital pour évaluer la confiance dans l’économie — et en ce printemps 2025, elle frémit.
Chaque jour, la Banque de France vérifie, trie et recycle jusqu’à 3 millions de billets. Un geste banal, mais révélateur : la masse monétaire qui circule est un thermomètre vital pour évaluer la confiance dans l’économie — et en ce printemps 2025, elle frémit.

Pour la Fédération bancaire française (FBF), « la dynamique du crédit, même modérée, est un élément positif dans un contexte toujours incertain ». Les nouveaux crédits servent à la modernisation des outils de production. De plus, ils sont utilisés pour maintenir l’activité ou effectuer de nouvelles embauches.

Les ménages : une confiance qui reste fragile

Du côté des particuliers, la tendance est à l’amélioration. En effet, pour la première fois depuis 2022, les dépôts à vue augmentent. C’est-à-dire que l’argent disponible sur les comptes courants progresse de 1,5 % sur un an. Parallèlement, les dépôts à terme, plus rigides, chutent de près de 9 %. Les Français privilégient donc la flexibilité, préférant les livrets réglementés, qui continuent de progresser (+4,1 %).

Alors que les grandes fortunes mondiales continuent de croître, les ménages français, eux, choisissent la souplesse. Livrets réglementés en hausse, dépôts à vue en reprise : un retour mesuré de la liquidité, reflet d’une prudence encore ancrée après les secousses de l’inflation.
Alors que les grandes fortunes mondiales continuent de croître, les ménages français, eux, choisissent la souplesse. Livrets réglementés en hausse, dépôts à vue en reprise : un retour mesuré de la liquidité, reflet d’une prudence encore ancrée après les secousses de l’inflation.

Cette évolution traduit une prudence stratégique. Les ménages veulent rester liquides et disponibles pour consommer ou faire face à l’imprévu. Ils évitent de s’enfermer dans des placements bloqués, car les perspectives économiques restent incertaines.

Les limites d’une reprise à bas bruit

Peut-on pour autant parler de vraie reprise ? Pas si vite. Si la masse monétaire et le crédit repartent, la croissance prévue par la Banque de France demeure modeste : à peine +0,6 % pour le PIB en 2025. Une bonne part des flux monétaires reste absorbée par l’inflation. Le commerce extérieur est en berne, de plus le coût de l’énergie est élevé.

D’autres signaux sont contrastés : les flux financiers avec le reste du monde explosent (+9,7 %), alors que les financements au secteur public se replient. Les opérations interbancaires et produits dérivés affichent une volatilité accrue, reflet des incertitudes persistantes sur les marchés.

Vers un changement de rythme, mais pas de cap ?

Les données de mai révèlent davantage un frémissement qu’un rebond. L’économie française semble se réveiller doucement, sans euphorie, mais sans nouveau coup d’arrêt non plus. Les entreprises prennent quelques risques, les ménages desserrent légèrement l’étau, la liquidité circule mieux – mais tout cela reste fragile.

Comme le rappelle l’économiste Philippe Martin : « Il y a peut-être le début d’un cycle plus dynamique, mais les vents contraires demeurent puissants. Rien n’indique, pour l’instant, que la France est sortie d’affaire. »

Le sursaut économique français, entre espoir mesuré et prudence

La France connaît-elle une véritable reprise ou seulement un sursaut statistique ? Si les voyants monétaires passent à l’orange, la croissance réelle, elle, patine encore. Dans ce contexte, la vigilance s’impose : le redémarrage est peut-être amorcé, mais il ne tiendra qu’à la capacité des acteurs économiques – entreprises, ménages, pouvoirs publics – de transformer ce frémissement en véritable dynamique.

À retenir

  • Masse monétaire en hausse : +2,3 % (mai 2025)
  • Crédit aux entreprises : +2,1 % (plus forte hausse depuis un an)
  • Croissance attendue : +0,6 % du PIB en 2025 (Banque de France)

Cet article a été rédigé par Yoann Pantic.