
Un an après avoir surpris les Français en les appelant aux urnes, le chef de l’État pourrait réitérer. En effet, il n’exclut pas de renouveler cet exercice. Un aveu d’échec autant qu’un rappel à l’ordre politique.
Il ne l’exclut pas. Un an après la dissolution de l’Assemblée nationale, le 9 juin 2024, Emmanuel Macron est revenu sur cette décision. Lundi soir, depuis Nice, il a évoqué comment cette action a modifié les équilibres politiques. Cependant, elle n’a pas produit l’effet de clarification escompté. "Mon souhait est qu’il n’y ait pas d’autre dissolution", a-t-il affirmé. Avant d’ajouter aussitôt : "Mon habitude n’est pas de me priver d’un pouvoir constitutionnel."

Ce double langage illustre le désarroi politique d’un président entre prudence affichée et rappel de sa légitimité institutionnelle. D’une part, il est affaibli par une majorité relative. D’autre part, il est conforté par les prérogatives de la Ve République. Derrière ce qui pourrait sembler une simple mise au point, se joue un bras de fer silencieux. En réalité, ce bras de fer est avec les partis politiques. Ceux-ci sont accusés par le chef de l’État de bloquer l’action publique.
Un aveu partiel sous forme de mise en garde
La dissolution de 2024 n’a pas "permis de clarifier les choses", admet Emmanuel Macron. Elle n’a pas non plus été « comprise » par les Français. Ce double constat lucide sur l’échec de la manœuvre n’efface pourtant pas la logique présidentielle. En effet, il ne s’agissait pas seulement de reprendre la main. L’objectif était aussi de provoquer un électrochoc démocratique. C’était une sorte de mise à nu du paysage politique. En ce sens, le chef de l’État persiste : il assume.

Mais le sous-texte de cette prise de parole est ailleurs. En affirmant ne pas vouloir d’une nouvelle dissolution, Emmanuel Macron installe un principe de dissuasion. Pourtant, il la garde dans son arsenal. La dissolution devient une menace suspendue, un levier de discipline adressé aux oppositions comme à sa propre majorité affaiblie. Cette stratégie, déjà employée en juin 2024, fait désormais partie intégrante de sa boîte à outils institutionnelle.
Le président dans l’arène, seul contre tous
Cette posture présidentielle, à la fois en surplomb et en tension, s’inscrit dans une tradition gaullienne revisitée. Emmanuel Macron est confronté à l’éclatement partisan et à l’incapacité des groupes parlementaires. Par conséquent, il se positionne comme garant de la stabilité et du tempo national. En dénonçant "l’immobilisme" des formations politiques, et non du gouvernement, il renvoie dos à dos toutes les forces. Celles qui refusent l’esprit de coalition ou d’initiative partagée sont particulièrement visées par ses critiques.

C’est aussi une manière de promouvoir une lecture verticale du pouvoir. Le président demeure le moteur de l’action. Même dans une République dite parlementaire, cette vision maintient le rôle central du président dans la gouvernance. Ce faisant, il maintient un cap présidentiel. Il suggère que l’impasse politique actuelle résulte moins de ses choix. C’est plutôt dû à l’irresponsabilité collective.
L’international, comme contrechamp à la paralysie nationale
La scène choisie pour cette déclaration — une conférence de l’ONU sur les océans — n’est pas anodine. Elle permet à Emmanuel Macron de revêtir à nouveau les habits du président globe-trotteur. Il est porteur de grandes causes mondiales. Cela le maintient loin des joutes internes. En affichant sa constance sur le climat et la défense des océans, il réaffirme une continuité d’action. Là où la politique intérieure semble enlisée, cette position souligne son engagement constant.

Mais un autre silence s’est imposé : celui de Brigitte Macron. Longtemps vue comme un pilier discret mais stabilisateur de l’image présidentielle, son absence remarquée lors des épisodes les plus tendus de la dissolution a alimenté les interrogations sur le repli personnel du couple présidentiel.

Un pouvoir intact mais fragilisé
En dernière instance, cette déclaration cristallise l’ambivalence du pouvoir macronien à l’approche de 2027. Loin d’annoncer un retrait ou recentrage, elle réaffirme une capacité d’intervention institutionnelle permanente. Cette capacité peut à tout moment bouleverser le jeu. Mais ce recours implicite à l’article 12 de la Constitution, déjà usité et contesté, témoigne aussi d’un certain isolement stratégique.
Si Emmanuel Macron reste le maître des horloges, son horloge institutionnelle tourne désormais seule, dans un paysage éclaté. La dissolution comme ultime levier devient un révélateur de faiblesse autant qu’un instrument de force. La présidence, loin d’être immobilisée, s’est repliée dans une posture d’alerte, perpétuellement aux aguets. Elle est prête à frapper — mais à quel prix démocratique ?