Aurélien Bellanger frappe fort avec son nouveau roman, Les Derniers Jours du Parti socialiste, publié le 19 août 2024 aux éditions du Seuil. Ce roman, long de près de 500 pages, met en scène une fresque politico-historique. Celle-ci n’a pas tardé à susciter de vives réactions. En cause : une satire à peine voilée de certains intellectuels français. Ceux-ci sont accusés de trahir les idéaux de la gauche en flirtant dangereusement avec l’extrême droite.
Le roman suit le personnage de Grémond, un obscur apparatchik du Parti socialiste qui profite du climat de peur créé par les attentats islamistes de 2015 pour se hisser au sommet du pouvoir. Soutenu par deux philosophes, Frayère et Taillevent, Grémond fonde le Mouvement du 9 décembre, imposant un discours islamophobe sous couvert de laïcité. Cette idéologie, selon le roman, conduit finalement au triomphe de l’extrême droite en France. La satire ne cache pas ses cibles. Grémond évoque clairement Laurent Bouvet, cofondateur du Printemps républicain. Taillevent ressemble à Raphaël Enthoven, et Frayère s’inspire de Michel Onfray.
Bellanger n’hésite pas à jouer avec les limites de la fiction. En utilisant des personnages et des événements réels, il brouille les frontières entre réalité et fiction. Le résultat est une œuvre qui semble commenter directement l’actualité politique, en particulier la montée de l’extrême droite. Cette approche n’a pas manqué de susciter des réactions outrées. Notamment de la part de ceux qui se reconnaissent dans les personnages. Raphaël Enthoven, père du fils de Carla Bruni et ex-mari de Justine Lévy par exemple, a vivement critiqué le livre, le qualifiant de "nécrophile et mensonger".
Face aux critiques, Bellanger revendique son droit à la satire. Dans un entretien avec France Inter, il explique que son roman vise à capturer l’"esprit du temps". Il défend l’usage de la caricature et de l’exagération. Ce sont des moyens légitimes d’explorer des idées complexes et de provoquer la réflexion. Pour Bellanger, Les Derniers Jours du Parti socialiste est avant tout une tentative de comprendre comment la gauche française a pu dériver vers une forme de néoracisme, incarnée par un petit groupe d’intellectuels influents.
Malgré les polémiques, le roman a été salué par une partie de la gauche. Son audace et sa capacité à aborder des sujets tabous ont été reconnues. Mais il soulève aussi des questions sur la responsabilité de l’écrivain dans le traitement de personnages réels. La manière dont la fiction peut influencer le débat public est également remise en question. Peut-on vraiment parler de fiction lorsque les événements décrits semblent si proches de la réalité ?
Ce débat illustre les tensions actuelles au sein de la gauche française. Celle-ci est tiraillée entre des courants aux visions de plus en plus opposées. Bellanger, en choisissant de faire de la politique le cœur de son roman, ne se contente pas d’observer ces tensions. Il les exacerbe, les met en lumière, et, ce faisant, force ses lecteurs à se confronter à des questions difficiles. Le roman devient ainsi non seulement un miroir de notre époque, mais aussi un outil pour en comprendre les mécanismes profonds.
Aurélien Bellanger a toujours eu un talent pour capturer les paradoxes de la société française, et Les Derniers Jours du Parti socialiste ne fait pas exception. En mélangeant réalité et fiction, satire et réflexion politique, il signe ici une œuvre marquante pour la rentrée littéraire. Cependant, cette œuvre pourrait aussi laisser des cicatrices dans le débat public. Le droit à la satire est une liberté précieuse. Cependant, elle vient avec la responsabilité de ne pas transformer la fiction en arme tranchante. Le lecteur, lui, est laissé à juger de l’équilibre atteint par Bellanger entre ces deux pôles.