Daniel Bilalian, visage fidèle de l’information publique nous quitte

Daniel Bilalian sur le plateau du JT de 13 heures de France 2 en 1994, symbole de rigueur journalistique

Daniel Bilalian, figure incontournable du journal télévisé français, s’est éteint le 14 mai 2025 à 78 ans. Il laisse derrière lui une œuvre marquée par la rigueur, l’attachement aux faits et la sobriété du ton. Durant plus de quarante ans, il incarne une information publique empreinte d’éthique et de constance. En effet, cela contraste avec les logiques de spectacle et de débat polarisé dominantes aujourd’hui.

Son visage, familier des Français, était celui du 20 heures d’Antenne 2, puis de France 2, où il imposa une voix grave et posée, un style à contre-courant des effets de manche. Ainsi, sa disparition ne marque pas seulement la fin d’une carrière. Elle scelle la mémoire d’un journalisme de conviction, attaché à l’idéal de service public.

Né à Paris en 1947, Bilalian grandit entre deux héritages. Celui-ci, terrien, est de sa mère originaire du Pas-de-Calais. Par ailleurs, celui-là, douloureux, est de son père réfugié arménien, porteur d’une mémoire blessée. Ces racines contrastées nourrissent chez lui un sens aigu de la responsabilité et de la mesure.

Après des études de droit à Lille, il commence en 1968 au journal L’Union de Reims. Là, il forge son regard sur le terrain. En 1971, il entre à l’ORTF, au moment où la télévision publique vit ses premières grandes mutations. Sa diction impeccable et son sérieux l’imposent vite comme un professionnel fiable. Il gravit les échelons sans tapage, mais avec une constance remarquable.

Une carrière marquée par l’exigence

Daniel Bilalian devient successivement grand reporter, puis présentateur du 13 heures et du 20 heures. Il couvre les grands événements internationaux, pilote plusieurs soirées électorales et conçoit des magazines télévisés, parmi lesquels Star à la barre et Mardi soir. Fidèle à une ligne sobre et exigeante, il refuse toute dramatisation excessive. Sa devise implicite pourrait être : donner à voir sans chercher à éblouir.

Daniel Bilalian a présenté le journal télévisé français pendant plus de 40 ans. Il parlait avec calme et sérieux, sans chercher le spectacle. Né en 1947, il a aussi dirigé les sports à France Télévisions. Il croyait à un journalisme sobre, utile et fidèle aux faits. Sa voix reste un symbole de rigueur.
Daniel Bilalian a présenté le journal télévisé français pendant plus de 40 ans. Il parlait avec calme et sérieux, sans chercher le spectacle. Né en 1947, il a aussi dirigé les sports à France Télévisions. Il croyait à un journalisme sobre, utile et fidèle aux faits. Sa voix reste un symbole de rigueur.

Ce style, parfois perçu comme distant, dissimule mal pourtant son attachement viscéral à l’actualité. Il conçoit le journal télévisé comme un outil civique, un fil tendu entre les faits et les citoyens. Sa parole se fait rare, mais toujours pesée. Une constance qui lui vaut respect et défiance, admiration et critiques.

En 2004, il est nommé directeur du service des sports de France Télévisions. Ce poste, qu’il occupe jusqu’en 2016, marque une inflexion. Il supervise la couverture de grands événements, comme les Jeux olympiques de Sotchi en 2014 ou ceux de Rio en 2016. Sa gestion suscite alors polémiques, grèves, et motions de défiance, notamment pour ses choix de programmation. Il assume ces critiques sans fard : "Quand on est au centre de l’actualité, on est au centre des critiques."

Un homme de convictions, fidèle à sa "maison"

Jamais Daniel Bilalian ne quitte France Télévisions, qu’il nomme affectueusement sa "maison". Il incarne une génération de journalistes issus d’une certaine école républicaine de l’information. En effet, la neutralité de ton et la rigueur d’écriture sont les piliers de la crédibilité.

Ses collègues lui rendent hommage. Patrick Chêne, ancien complice du service des sports, salue un "professionnel de grande élégance morale". Gérard Holtz évoque, ému, "un ami et un grand patron". Quant à Pierre Lescure, il rappelle combien Bilalian fut un "modèle de liberté à l’intérieur de l’institution".

Un retrait discret mais assumé

En 2016, Bilalian se retire des écrans sans bruit. Il entame une nouvelle vie entre Neuilly-sur-Seine, où il devient conseiller municipal. Par ailleurs, il découvre l’Île-aux-Moines, havre de paix niché dans le golfe du Morbihan. C’est là, entre les marées et les pins, qu’il épouse en 2020 Frédérique Renimel, responsable d’édition à France 2. "Les îles savent vous protéger", disait-il dans une interview accordée à Ouest-France.

Loin de l’agitation des studios, il se consacre à l’écriture. Il publie trois ouvrages chez Presses de la Cité, mêlant souvenirs professionnels et réflexions sur les médias. On y découvre un homme de lettres, pudique, au regard acéré sur la médiatisation contemporaine. Son retrait est celui d’un sage, d’un homme en paix avec ses choix. Cependant, cela déplaît à ceux qui lui prêtaient une rivalité avec Arlette Chabot.

Une leçon d’intégrité à l’ancienne

Le parcours de Daniel Bilalian embrasse un demi-siècle de transformations médiatiques. De l’ORTF aux plateformes numériques, il aura vécu toutes les mutations sans jamais sacrifier ses principes. Cette fidélité à une certaine idée de l’information fait de lui un repère éthique à l’heure où les lignes se brouillent.

Sa disparition suscite une émotion singulière. Celle que provoque la perte d’une voix qui rassurait, d’une figure qui inspirait confiance. Dans un monde saturé d’opinion et de bruit, Bilalian avait choisi la clarté des faits, le recul, le respect du téléspectateur. Il savait que l’information est un bien commun, qu’elle ne se marchande pas.

Avec lui s’éteint un dernier bastion du journalisme de grand chemin. Celui des voix posées, des faits avant les effets. Une école de l’exigence, du doute méthodique, de la transmission patiente. Une manière d’être journaliste qui, plus qu’un métier, fut pour lui une manière d’être au monde.