Emmanuel Macron contre l’Algérie : les vraies raisons de la colère

Expulsions réciproques entre la France et l’Algérie : les tensions diplomatiques s’intensifient après une affaire judiciaire

Il aura suffi de quelques jours pour anéantir l’élan de rapprochement qui semblait se profiler entre Paris et Alger. Le 14 avril, les autorités algériennes ont brutalement expulsé douze agents diplomatiques français. En représailles, le président Emmanuel Macron a immédiatement annoncé l’expulsion de douze diplomates algériens en France. De plus, il a rappelé l’ambassadeur de France à Alger pour consultations. Ce nouvel épisode s’ajoute à une longue liste de crises entre les deux pays. En conséquence, il compromet des intérêts cruciaux de part et d’autre de la Méditerranée.

Un différend judiciaire à l’origine de la tension

À l’origine de cette flambée de tensions entre la France et l’Algérie, se trouve l’affaire de trois ressortissants. En effet, ces personnes sont algériennes, ce qui a conduit à une escalade de tensions diplomatiques. En effet, ces personnes incluent un employé consulaire mis en examen à Paris. Ces derniers sont suspectés d’avoir participé à l’enlèvement et à la séquestration de l’influenceur et opposant politique algérien Amir Boukhors sur le territoire français. Invoquant l’indépendance de sa justice, Paris maintient que la procédure est légitime. Alger, pour sa part, dénonce une "abale judiciaire" et rejette toute mise en cause de ses agents diplomatiques.

Mesures d’expulsion réciproques

  • Alger : Douze agents français sommés de quitter le sol algérien.
  • Paris : En riposte, douze diplomates algériens expulsés de France.
Expulsions réciproques : Paris et Alger plongés dans une nouvelle crise diplomatique malgré des tentatives récentes de rapprochement. Sur fond de contentieux judiciaires, Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune peinent à rétablir le dialogue entre la France et l’Algérie.
Expulsions réciproques : Paris et Alger plongés dans une nouvelle crise diplomatique malgré des tentatives récentes de rapprochement. Sur fond de contentieux judiciaires, Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune peinent à rétablir le dialogue entre la France et l’Algérie.

Pour Emmanuel Macron, l’Algérie "prend la responsabilité d’une dégradation brutale des relations bilatérales". En revanche, Alger critique la "tutelle" supposée de Paris sur des questions touchant à sa souveraineté.

Contexte : un passif de tensions franco-algériennes

Au-delà de ce dossier judiciaire, la crise diplomatique se nourrit d’un passif relationnel déjà complexe. Les contentieux ne datent pas d’hier :

  1. Sahara occidental
    Le soutien d’Emmanuel Macron au plan d’autonomie marocain a irrité Alger, fervent défenseur du Front Polisario. Pour l’Algérie, cette position française témoigne d’un parti pris en faveur du Maroc, son rival régional.

  2. Arrestations d’opposants algériens en France
    Plusieurs personnalités d’origine algérienne ont été interpellées. En effet, elles sont accusées d’apologie de la violence sur les réseaux sociaux. De surcroît, la France déplore le manque de coopération d’Alger pour accepter le retour de ses ressortissants sous le coup d’une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français).

  3. Détention de Boualem Sansal
    L’écrivain franco-algérien, détenu en Algérie et condamné à cinq ans de prison, suscite l’incompréhension et l’indignation de Paris, qui réclame sa libération au nom de la liberté d’expression.

Le rappel des ambassadeurs montre la gravité des tensions. De plus, l’expulsion de diplomates illustre cette situation entre les deux rives méditerranéennes.
Le rappel des ambassadeurs montre la gravité des tensions. De plus, l’expulsion de diplomates illustre cette situation entre les deux rives méditerranéennes.

Ce faisceau de litiges a déjà provoqué plusieurs épisodes de tension récente. Notamment, le rappel de l’ambassadeur algérien après les déclarations françaises concernant le Sahara.

Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune : la trêve avortée d’avril

La dernière escalade surprend d’autant plus qu’un rapprochement franco-algérien avait semblé voir le jour début avril. Un entretien téléphonique entre Emmanuel Macron et son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune, suivi de la visite à Alger du ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, laissait espérer une reprise des coopérations dans des domaines clés :

  • Sécurité et lutte antiterroriste
  • Immigration et délivrance des visas
  • Relations économiques et investissements
  • Mémoire partagée autour de la période coloniale

En l’espace de quelques jours, cette amorce de dialogue a volé en éclats. La réaction algérienne aux mises en examen des trois ressortissants a remis en cause tout le travail diplomatique amorcé.

Expulsions diplomatiques : un durcissement aux conséquences multiples

L’échange d’expulsions et le rappel de l’ambassadeur marquent la volonté des deux pays de se montrer intraitables. Dans l’immédiat, cette surenchère comporte plusieurs risques :

  • Paralysie du dialogue
    Avec moins de personnel diplomatique, les canaux de communication officiels sont considérablement réduits. Les négociations à venir sur des questions majeures (retours de migrants, délivrance de visas, projets économiques) s’en trouvent davantage compliquées.

  • Impacts économiques
    Les tensions alimentent la méfiance. Plusieurs visites d’affaires, indispensables au développement de partenariats industriels ou commerciaux, ont déjà été annulées. Les milieux économiques français et algériens s’inquiètent de l’incertitude ambiante.

  • Coopération antiterroriste fragilisée
    Sur le plan sécuritaire, une détérioration des liens peut s’avérer dommageable. En effet, cela affecterait la lutte contre les groupes djihadistes au Sahel. Alger reste un acteur régional essentiel pour la stabilité et le renseignement.

  • Pression sur les diasporas
    Les familles franco-algériennes, les étudiants et les professionnels naviguant entre les deux pays redoutent de nouvelles restrictions. En effet, ils craignent des contrôles accrus ou un durcissement des conditions de visa, etc.

Vers une rupture ou une reprise négociée ?

Malgré la sévérité de la crise, la France et l’Algérie sont liées par des intérêts réciproques. En effet, ces intérêts sont trop importants pour espérer se "déconnecter" durablement.

  1. Liens humains profonds
    La diaspora algérienne en France est importante, et la présence de ressortissants français en Algérie se remarque également. Par conséquent, cela crée une interdépendance culturelle entre les deux pays. De plus, cette situation favorise les interactions entre les deux nations. En plus de renforcer les échanges entre les deux pays, elles favorisent des liens familiaux et sociaux importants.

  2. Dépendance énergétique et investissements
    L’Algérie fournit du gaz à l’Europe, dans une certaine mesure. En revanche, des entreprises françaises dépendent aussi du marché algérien. Dans l’autre sens, Alger cherche des partenariats industriels et technologiques.

  3. Coopération régionale incontournable
    Dans la lutte antiterroriste et la stabilité au Sahel, Alger occupe une place stratégique. Paris a besoin d’interlocuteurs solides au Maghreb pour coordonner sa politique sécuritaire.

Du Sahara occidental à l’affaire Boukhors, la longue liste de différends fragilise encore davantage une relation déjà sous haute tension.
Du Sahara occidental à l’affaire Boukhors, la longue liste de différends fragilise encore davantage une relation déjà sous haute tension.

Historiquement, Paris et Alger ont déjà traversé des phases d’« orage diplomatique » avant de renouer. Toutefois, la répétition de ces crises alimente un climat de méfiance durable. Pour certains observateurs, seul un retour à la diplomatie discrète, assorti de concessions mutuelles, pourrait éviter l’enlisement.

Un fossé à combler pour restaurer la confiance

Cette crise diplomatique entre la France et l’Algérie souligne la fragilité d’une relation. Elle est largement conditionnée par des enjeux historiques, géopolitiques, ainsi qu’intérieurs. La volonté de faire valoir sa souveraineté à Paris et Alger se heurte aux impératifs de coopération. Cela concerne les domaines sécuritaire, économique ou migratoire. Après l’échec de la trêve d’avril, il appartient désormais aux deux gouvernements de trouver une voie de désescalade. Sinon, cela pourrait léser durablement leurs intérêts et alimenter un climat d’incompréhension entre leurs peuples.

Quoi qu’il en soit, une "réconciliation" demeure difficile mais pas impossible. Les précédents montrent que la France et l’Algérie sont condamnées à composer. Elles oscillent entre crise et rapprochement, au gré des aléas politiques et de leurs intérêts partagés. L’avenir immédiat dépendra de la capacité de Paris et d’Alger à renouer rapidement le fil de la discussion. Cela devra se faire en dépit du ressentiment que laisse ce nouvel épisode d’expulsions réciproques.