Catherine Ribeiro, figure du rock français, nous quitte

catherine ribeiro avec fond bleu

Catherine Ribeiro, chanteuse iconoclaste et militante infatigable, s’est éteinte dans la nuit du 22 au 23 août à l’âge de 82 ans. Pendant des décennies, cette fille d’immigrés portugais, née dans la banlieue lyonnaise, a incarné une voix unique du rock libertaire en France, marquant de son empreinte indélébile la scène musicale des années 70.

Ribeiro, c’était d’abord une présence scénique inoubliable. Toujours vêtue de noir, les poings serrés, elle arrivait sur scène avec une frange qui cachait en partie ses yeux noirs, laissant transparaître une détermination farouche. Sa voix grave et puissante, mêlée à des musiques envoûtantes, était le reflet de son âme perpétuellement en lutte. Ses performances étaient plus que des concerts : elles étaient des manifestations d’un esprit révolté, une explosion de colère et d’amour, de poésie et de désespoir. Catherine Ribeiro ne chantait pas, elle incarnait une révolte, une insoumission viscérale.

Née dans une famille modeste, où la lutte faisait partie du quotidien, Catherine grandit à Saint-Fons, près de Lyon. Son père, ouvrier communiste, et sa mère, illettrée mais douée d’une belle voix de fado, lui ont transmis une sensibilité exacerbée. Cette enfance difficile, marquée par les fumées des usines et les grèves, a forgé en elle une rage inextinguible qui se retrouvera plus tard dans ses chansons.

Dans les années 60, après un passage remarqué au cinéma, notamment dans Les Carabiniers de Jean-Luc Godard, Catherine Ribeiro fait ses débuts dans la chanson. Pourtant, dès le début, elle refuse de se laisser enfermer dans le moule du yéyé ou de la variété française. C’est avec Patrice Moullet, son compagnon de route artistique, qu’elle crée le groupe Alpes, avec lequel elle explorera des voies musicales audacieuses, mêlant rock, musique expérimentale et poésie. Ensemble, ils produiront neuf albums qui témoignent de leurs nombreux engagements, qu’ils soient politiques, sociaux ou écologiques.

Catherine Ribeiro était une artiste libre, radicale dans ses choix et ses convictions. Elle se définissait elle-même comme « libre et libertaire », refusant de s’associer à un quelconque clan. Sa musique, comme sa vie, était marquée par un refus constant des compromis. Si les médias l’ont souvent ignorée, si la radio et la télévision l’ont boudée, cela n’a jamais empêché Ribeiro et Alpes de remplir les salles, de l’Olympia à Bobino, et de trouver leur public. Leur musique, révoltée et poétique, a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire du rock français.

L’héritage de Catherine Ribeiro ne se résume pas à sa musique. C’est une attitude, une posture face au monde, une manière d’être intransigeante et passionnée. Elle était cette pasionaria rouge, cette prêtresse habitée que la chanson française a souvent délaissée.Elle n’a jamais courbé l’échine face aux exigences du show business. Pour ceux qui l’ont connue et aimée, elle restera toujours cette panthère indomptable, prête à bondir sur tout ce qui pouvait salir l’intégrité ou faire mal à la conscience.

Aujourd’hui, en ces temps où les voix audacieuses se font plus rares et artificielles, le départ de Catherine Ribeiro résonne comme une perte immense pour la scène française. Mais ses chansons, ses engagements et son esprit rebelle continueront d’inspirer ceux qui croient encore que l’art engagé peut être une forme de résistance, une arme contre l’indifférence et l’injustice en ces temps troublés.