Budget France 2026 : que négocie Lecornu, que risque Macron ?

Budget 2026 : Lecornu, PM démissionnaire, 48 h de consultations avant le 20 h de France 2

Le 6 octobre 2025, Sébastien Lecornu, premier ministre démissionnaire, a reçu de l’Élysée 48 heures pour conduire des consultations bilatérales (PS, Écologistes, PCF, puis groupes parlementaires) et rendre compte au président avant une prise de parole publique. Il est invité au « 20 heures » de France 2 ce mercredi 8 octobre. Dans l’intervalle, les indemnités des ministres restés « quelques heures » ont été gelées (annonce faite le 7 octobre et précisée ensuite). Emmanuel Macron demeure arbitre des options (budget, nominations, dissolution), sans prise de parole indiquée ce soir.

Marchés, dette et BCE : pression diffuse, pas d’ultimatum

La Banque centrale européenne n’impose pas de délai à la France. Cependant, elle exprime son espoir pour un budget déposé et voté à temps. En outre, elle observe les développements français selon les règles européennes. Sur les marchés, les rumeurs concernant la dissolution ou l’abrogation de la réforme des retraites circulent. Ainsi, elles provoquent déjà des fluctuations de prix. Cette situation est due à l’incertitude politique qui influence les investisseurs et les décisions financières. En effet, cela se produit dans un contexte de dette élevée (obligations d’État, actions), sensible aux signaux politiques. Le message de l’exécutif cherche à réduire l’incertitude pour limiter la volatilité.

Déficit 2026 : un objectif en discussion, pas un engagement

La cible avancée par Matignon pour 2026 est un déficit public 2026 compris entre 4,7 % et 5,0 % du PIB. Cependant, cet objectif doit être explicitement présenté comme un objectif gouvernemental en négociation, non un engagement officiel. Elle conditionne la recherche d’une plateforme budgétaire susceptible de réunir une majorité de circonstance à l’Assemblée. Les services économiques ont été chargés d’éclairer les options de recettes et d’économies compatibles avec cette fourchette.

PLF 2026 : calendrier et garde-fous

Par principe, le projet de loi de finances (PLF) doit être déposé à l’Assemblée nationale au plus tard. En effet, cette date limite est fixée au premier mardi d’octobre, soit le 7 octobre 2025. En pratique, le point de départ du délai constitutionnel de 70 jours peut être fixé d’un commun accord. Cela se fait avec l’Assemblée en fonction des documents transmis, ce qui rend compatible un dépôt décalé. Par exemple, jusqu’au 13 octobre, cela reste conforme au respect du délai d’examen. L’objectif demeure une adoption avant le 31 décembre.

En cas de blocage prolongé, deux dispositifs existent : l’application de l’article 47 de la Constitution est possible. Cela permet la mise en vigueur par ordonnance si le Parlement ne s’est pas prononcé dans les 70 jours. Et, en ultime recours politique, des « douzièmes provisoires » peuvent être votés par le Parlement. Cela autorise mois par mois la reconduction d’un douzième des crédits de l’exercice précédent.

Retraites : lignes rouges et chiffrages à manier avec prudence

Le dossier retraites structure les tractations. Élisabeth Borne évoque publiquement une « suspension » de la réforme de 2023 pour débloquer un compromis.

Élisabeth Borne ouvre la porte à une suspension pour débloquer, compromis à calibrer avec les trajectoires du COR.
Élisabeth Borne ouvre la porte à une suspension pour débloquer, compromis à calibrer avec les trajectoires du COR.

Le PS affirme n’avoir aucune assurance concernant une telle suspension. Par ailleurs, les Écologistes insistent sur le pouvoir d’achat et la pénibilité. De plus, le PCF réclame une abrogation qui serait soumise au vote parlementaire. LFI exige l’abrogation et dénonce un « sauvetage » de la macronie, tout en laissant entendre qu’elle n’exclurait pas a priori de ne pas censurer un gouvernement PS-EELV-PCF seul. LR et Horizons posent une ligne rouge contre toute suspension. Le RN annonce : « Je censure tout ».

Concernant les chiffrages, Bercy avance un ordre de grandeur pour une suspension/modification. Ainsi, cela représenterait ≈ 0,5 milliard d’euros en 2026 et ≈ 3 milliards en 2027.

Roland Lescure chiffre une suspension : ≈ 0,5 Md€ en 2026, ≈ 3 Md€ en 2027 ; estimations approximatives et révisables.
Roland Lescure chiffre une suspension : ≈ 0,5 Md€ en 2026, ≈ 3 Md€ en 2027 ; estimations approximatives et révisables.

Il s’agit d’estimations approximatives issues de sources gouvernementales et syndicales (ces dernières défendant des trajectoires alternatives). Ces chiffres dépendent fortement du périmètre (âge légal, carrières longues, accélération de la durée de cotisation) et des mesures de compensation éventuelles.

À retenir : toute évolution des retraites emporte des conséquences budgétaires non linéaires (recettes, dépenses, emploi des seniors). La décision politique doit s’adosser à un scénario chiffré et finançable.

Acteurs et positions : qui demande quoi ?

  • Sébastien Lecornu : coordonne les consultations, recherche une « convergence » et promet un compte rendu à l’Élysée avant sa déclaration télévisée.
  • Emmanuel Macron : gardien des arbitrages (budget, nominations, dissolution).
  • Olivier Faure (PS) réclame un premier ministre de gauche. Il refuse un « gouvernement en commun » avec la majorité actuelle. De plus, il dit n’avoir « aucune assurance » sur la suspension des retraites.
Olivier Faure exige un PM de gauche et des marqueurs sociaux, aucune assurance obtenue sur la suspension des retraites.
Olivier Faure exige un PM de gauche et des marqueurs sociaux, aucune assurance obtenue sur la suspension des retraites.
  • Marine Tondelier (Écologistes) : souhaite des garanties sociales et climatiques, refuse un « totem » retraites.
Marine Tondelier demande des gages sociaux et climatiques, priorité au pouvoir d’achat et à la pénibilité.
Marine Tondelier demande des gages sociaux et climatiques, priorité au pouvoir d’achat et à la pénibilité.
  • Fabien Roussel (PCF) : veut abroger la réforme par un vote, et caler un budget avant fin 2025.
  • LFI (Mathilde Panot / Jean-Luc Mélenchon) : abrogation exigée, pas de « sauvetage » de la macronie, ouverture conditionnelle à ne pas censurer un attelage PS-EELV-PCF sans la macronie.
Mathilde Panot (LFI) réclame l’abrogation, LFI n’exclut pas de ne pas censurer un attelage PS-EELV-PCF sans la macronie.
Mathilde Panot (LFI) réclame l’abrogation, LFI n’exclut pas de ne pas censurer un attelage PS-EELV-PCF sans la macronie.
  • LR (Bruno Retailleau) : « ligne rouge » sur la suspension, des voix internes contestent toutefois la méthode.
Bruno Retailleau fixe une ligne rouge : pas de suspension des retraites, débat interne chez LR sur la méthode.
Bruno Retailleau fixe une ligne rouge : pas de suspension des retraites, débat interne chez LR sur la méthode.
  • Horizons (Édouard Philippe) : souhaite une présidentielle anticipée après le vote du budget.
Édouard Philippe souhaite une présidentielle anticipée après le budget : pari risqué pour débloquer le système.
Édouard Philippe souhaite une présidentielle anticipée après le budget : pari risqué pour débloquer le système.
  • Yaël Braun-Pivet (Assemblée nationale) : alerte sur des « conséquences très lourdes » en l’absence de budget ; le Bureau a jugé irrecevable la motion de destitution du président.
Yaël Braun-Pivet prévient : sans budget, conséquences 'très lourdes' ; la motion de destitution a été jugée irrecevable.
Yaël Braun-Pivet prévient : sans budget, conséquences ‘très lourdes’ ; la motion de destitution a été jugée irrecevable.

Décryptage : où se joue l’accord budgétaire ?

Trois nœuds se superposent :

  1. Pensions : faut-il suspendre (temporairement), aménager (carrières longues, pénibilité, femmes) ou abroger ? Chaque option a un coût (ou une économie différée) et un signal aux marchés.
  2. Recettes : un panachage est sur la table comprenant niches, contributions exceptionnelles et lutte contre la fraude. De plus, des éventuels ajustements d’impôt ciblés sont envisagés pour tenir la trajectoire sans casser l’activité.
  3. Déficit : retenir la fourchette 4,7–5,0 % comme cap, mais assumer qu’elle n’est pas un engagement légal. Cependant, considérer cette fourchette comme un objectif à atterrir en loi de finances.

Clé de voûte du Budget 2026 : la méthode.

Gabriel Attal veut éviter le crash budgétaire : un vote avant le 31 décembre pour contenir la casse politique.
Gabriel Attal veut éviter le crash budgétaire : un vote avant le 31 décembre pour contenir la casse politique.

L’exécutif préfère des « majorités de projet » au lieu d’un 49.3 généralisé sur le PLF 2026. Ainsi, il compartimente les votes pour éviter les motions.

Scénarios d’ici Noël : hypothèses et risques (non des faits)

Ce qui suit relève d’hypothèses politiques et d’analyse journalistique, pas d’événements établis.

  1. Accord budgétaire minimal : vote d’un PLF recentré (déficit < 5 %), concessions ciblées (pénibilité, bas salaires), sans réforme des retraites substantielle. Risque : coalition instable, retours de bâton lors des textes d’exécution.
  2. Remaniement avec premier ministre de gauche : PS-EÉLV-PCF acceptent de laisser passer le budget contre des gestes sur retraites et pouvoir d’achat. Risque : censure croisée LR/RN/LFI.
  3. 49.3 « limité » (si juridiquement/politiquement faisable) sur quelques articles clés. Risque : contestation accrue, mais gain de temps.
  4. Dissolution : renvoi aux urnes avant l’adoption du budget, forte volatilité sur marchés, nécessité d’un dispositif transitoire (douzièmes provisoires).
  5. Présidentielle anticipée : hypothèse souhaitée par une partie du centre droit, politiquement lourde, juridiquement sensible et conditionnée au calendrier budgétaire.

Budget 2026 : une équation à trois inconnues

Pour éviter la double peine (instabilité politique et défiance liée à la dette), l’exécutif doit sécuriser un cadre : objectif de déficit 4,7–5,0 % clairement annoncé comme cible, procédure respectée (dépôt au plus tard début/mid-octobre, 70 jours d’examen), et signal lisible sur les retraites (choix + financement). Les marchés réagiront autant à la méthode qu’au chiffre. Ce soir, au 20 heures, Sébastien Lecornu devra arbitrer entre la politique et l’arithmétique budgétaire : dire ce qui est discutable et ce qui ne l’est pas. C’est là que se joue la crédibilité de Budget 2026.

À Matignon, Sébastien Lecornu, premier ministre démissionnaire, boucle en 48 heures des consultations avec PS, Écologistes et PCF avant d’en rendre compte à l’Élysée, ce mercredi 8 octobre, puis au 20 h de France 2. L’objectif est de créer un cadre pour le Budget 2026 avec un déficit visé entre 4,7 et 5 % du PIB. De plus, une solution sur les retraites est recherchée afin d’éviter un blocage parlementaire. Cela permettrait également de prévenir la volatilité des marchés ainsi qu’un scénario de dissolution.

Macron, arbitre silencieux : trouver un Budget 2026 crédible et une sortie de crise sans dissolution.
Macron, arbitre silencieux : trouver un Budget 2026 crédible et une sortie de crise sans dissolution.

Cet article a été rédigé par Christian Pierre.