Comment Baya Kasmi aurait pu sauver Mikado

Affiche officielle du film Mikado, illustrant le charme discret mais limité du récit de Baya Kasmi

Le troisième film de Baya Kasmi, réalisatrice remarquée pour Je suis à vous tout de suite et scénariste du succès Le Nom des gens, navigue subtilement entre chronique sociale et décor provençal idyllique. Pourtant, derrière ces paysages lumineux et ces sourires discrets se cache un sujet fort : comment élever ses enfants hors du système sans perdre pied ? Malheureusement, Kasmi semble avoir préféré tremper timidement ses pieds plutôt que de plonger dans la profondeur bouillonnante du débat sociétal.

Malheureusement, la talentueuse Kasmi semble avoir préféré tremper timidement ses pieds plutôt que de plonger dans la profondeur bouillonnante du débat sociétal... On attend tout de même son prochain film.
Malheureusement, la talentueuse Kasmi semble avoir préféré tremper timidement ses pieds plutôt que de plonger dans la profondeur bouillonnante du débat sociétal… On attend tout de même son prochain film.

Les personnages principaux, Mikado et Laetitia, marginaux attachants issus d’une réalité sociale complexe, offraient pourtant un potentiel dramatique riche. Cependant, leur révolte demeure modérée, presque aussi calme qu’une partie de pétanque entre retraités. En abordant franchement les thématiques de l’éducation alternative et de l’exclusion sociale, Kasmi aurait pu dynamiser son récit avec une audace narrative bienvenue.

Toujours entre comédie et mélancolie, Ramzy Bedia a surpris en professeur veuf dans Mikado. Anecdote savoureuse : à ses débuts, il vendait des chaussures à Barbès avant de conquérir les écrans. Un vrai parcours d’autodidacte, aussi imprévisible que ses rôles.
Toujours entre comédie et mélancolie, Ramzy Bedia a surpris en professeur veuf dans Mikado. Anecdote savoureuse : à ses débuts, il vendait des chaussures à Barbès avant de conquérir les écrans. Un vrai parcours d’autodidacte, aussi imprévisible que ses rôles.

Félix Moati et Nuage : des personnages attachants mais à approfondir

Les protagonistes de Mikado avaient un potentiel émotionnel évident, mais insuffisamment exploité. Félix Moati, habitué aux rôles sensibles comme dans Deux fils et Médecin de nuit, excelle encore en père bohème légèrement tyrannique. Cependant, on demeure insatisfait car on ne saisit pas pourquoi cet homme libre dirige en dictateur hippie.

Acteur-réalisateur prometteur, Félix Moati incarne ici un père bohème mais autoritaire. Fils de l’inoubliable Serge Moati, il n’a pourtant pas choisi la voie facile. Petit clin d'œil : il rêve un jour de tourner une comédie romantique… en Sicile, pour changer du drame existentiel.
Acteur-réalisateur prometteur, Félix Moati incarne ici un père bohème mais autoritaire. Fils de l’inoubliable Serge Moati, il n’a pourtant pas choisi la voie facile. Petit clin d’œil : il rêve un jour de tourner une comédie romantique… en Sicile, pour changer du drame existentiel.

De son côté, la jeune Nuage, interprétée avec finesse mais discrétion, aurait mérité mieux qu’une légère brume narrative. Son désir de normalité scolaire et son inconfort face à l’excentricité familiale auraient pu être davantage mis en relief. Une crise existentielle plus marquée aurait ainsi offert aux spectateurs une véritable tempête adolescente plutôt qu’une légère averse estivale.

Provence : un décor splendide mais sous-exploité

La Provence, magnifique décor naturel de Mikado, était idéale pour accentuer l’angoisse existentielle des personnages. Pourtant, les paysages somptueux restent aussi paisibles qu’une carte postale pour touristes en quête de lavande. Un contraste plus net entre douceur visuelle et tension dramatique aurait ajouté au film une saveur cinématographique plus piquante.

Athlète acrobatique à ses heures, Vimala Pons illumine toujours l’écran d’une présence décalée. Fun fact : diplômée du Centre national des arts du cirque, elle maîtrise aussi bien la voltige que les subtilités du jeu d’actrice. Une funambule du cinéma, entre audace et poésie.
Athlète acrobatique à ses heures, Vimala Pons illumine toujours l’écran d’une présence décalée. Fun fact : diplômée du Centre national des arts du cirque, elle maîtrise aussi bien la voltige que les subtilités du jeu d’actrice. Une funambule du cinéma, entre audace et poésie.

En s’inspirant davantage d’œuvres comme Captain Fantastic de Matt Ross, Baya Kasmi aurait pu donner du mordant à sa réalisation. Une caméra plus nerveuse aurait traduit avec brio les turbulences émotionnelles du père. De même, quelques silences pesants auraient relevé subtilement les scènes avec Vincent, incarné par un Ramzy Bedia toujours impeccable, entre comédie et mélancolie.

Une fin trop sage pour une histoire hors norme

La conclusion de Mikado ressemble à une rentrée scolaire après deux mois d’été en liberté : nécessaire mais frustrante. Le retour rapide à une norme sociale conventionnelle manque singulièrement d’audace. Pourquoi ne pas avoir laissé cette famille attachante dans une incertitude pleine de charme, fidèle à son goût du hors-piste ?

Un dénouement plus osé aurait prolongé le débat chez le spectateur. En évitant le consensus mou, Kasmi aurait mieux respecté l’identité libertaire et bohème de ses personnages. Le film aurait pu éviter de laisser un goût de tisane tiède. On espérait plutôt un vin rouge corsé.

Déjà repérée dans les festivals jeunes talents, Patience Munchenbach incarne Nuage dans Mikado. Fun fact : avant le tournage, elle s’entraînait à la slackline pour
Déjà repérée dans les festivals jeunes talents, Patience Munchenbach incarne Nuage dans Mikado. Fun fact : avant le tournage, elle s’entraînait à la slackline pour « marcher sur un fil » comme son personnage, toujours en équilibre entre rêve d’émancipation et attachement familial.

Un joli potentiel narratif sous-exploité par excès de prudence

En définitive, pour sauver Mikado, Baya Kasmi n’avait qu’à ajouter une pincée d’audace narrative et un zeste d’humour grinçant. Sans basculer dans la provocation gratuite, le film aurait pu devenir une réflexion percutante. Il aurait exploré la marginalité et la liberté individuelle. À force de prudence, il reste un film agréable mais timide, laissant au spectateur la sensation d’un potentiel narratif délicieusement inabouti.

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