
Anne-Sophie Lapix ne présentera plus le 20 heures de France 2 à partir de mi-juillet 2025. Ainsi s’achève un cycle de huit années commencé en septembre 2017, lorsqu’elle avait succédé à David Pujadas, écarté dans un contexte politique tendu. Cette annonce, faite par France Télévisions le 27 mai, marque un tournant dans la stratégie éditoriale de la chaîne publique. En outre, elle s’inscrit dans une réflexion plus large concernant l’avenir du journal télévisé de soir.
Ce départ, présenté comme une évolution naturelle, ne relève pas d’un choix personnel de la journaliste. Selon plusieurs sources internes, la direction aurait initié cette décision, motivée par une volonté de renouvellement. Cependant, Delphine Ernotte Cunci, présidente du groupe, a publiquement salué son "engagement, sa rigueur et son professionnalisme". Elle a également indiqué "travailler à de nouveaux formats" avec elle, préfigurant une redistribution des cartes au sein du service public.
Un parcours solide, un style affirmé

Née à Saint-Jean-de-Luz en 1972, Anne-Sophie Lapix incarne une génération de journalistes passée par le journalisme économique avant d’atteindre les sommets de l’information généraliste. Diplômée de l’Institut d’études politiques de Bordeaux, elle débute à Bloomberg TV dans les années 1990. Là-bas, elle affine un style factuel et exigeant. Elle enchaîne les rédactions de LCI, M6, TF1 et Canal+, où elle présente notamment Dimanche +.
Sa véritable reconnaissance arrive à France 5, où elle succède à Alessandra Sublet à la tête de C à vous. Elle y impose une animation sobre, mais pénétrante, entretiens compris. En 2017, c’est naturellement qu’elle rejoint le 20 heures de France 2, devenant ainsi la deuxième femme à en assurer la présentation après Françoise Laborde.
L’épreuve du feu politique
Durant son mandat, Lapix a imposé un ton clair, une distance critique assumée et une forme de rigueur souvent rare en télévision. Ainsi, ses interviews ont parfois fait grincer des dents. Elle a interrogé Marine Le Pen, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, Anne Hidalgo et Éric Zemmour avec fermeté. De plus, elle refusait la langue de bois et réclamait des réponses précises. Cette posture l’a parfois mise en porte-à-faux avec certains membres de la majorité comme de l’opposition.
Selon plusieurs observateurs, ce positionnement exigeant aurait entraîné des tensions, relayées par la presse médiatique. En 2022, un entretien controversé avec le président Macron avait alimenté les débats sur l’indépendance de l’information publique.

Des audiences fluctuantes, un contexte concurrentiel
Le 20 heures de France 2 est le deuxième journal le plus regardé de France en termes d’audience. En effet, il se classe derrière celui de TF1. En 2022, sous l’impulsion de Lapix, l’écart s’était resserré, atteignant parfois moins de 500 000 téléspectateurs de différence. En 2024, l’extension du journal à une heure a été décidée. Ainsi, elle visait à développer l’analyse et le reportage long format. De plus, l’approche pédagogique des faits était également un objectif de cette extension.
Cependant, cette stratégie n’a pas permis une remontée durable. En septembre 2024, l’audience est retombée à environ 3,8 millions de téléspectateurs. En comparaison, le 20 heures de TF1 présenté par Gilles Bouleau comptait 5,2 millions de téléspectateurs. Ce recul, combiné à une politique de rajeunissement de l’antenne, a conduit la direction à envisager un changement d’incarnation.

Une décision stratégique dans un contexte préélectoral
Ce changement survient à deux ans de l’échéance présidentielle de 2027. Pour certains analystes, l’éviction de Lapix répond à une logique politique. En renouvelant les visages à l’antenne, France Télévisions cherche à préempter les critiques régulières sur son impartialité et sa modernité. Cette volonté affichée d’un "nouveau souffle" vise à redynamiser les audiences. Elle cherche à repositionner l’institution dans un paysage informationnel fragmenté. Ce dernier est dominé par les réseaux sociaux et la concurrence des chaînes d’info en continu.
Delphine Ernotte, elle-même renouvelée à la présidence du groupe, entend porter une vision plus jeune et plus interactive du journal télévisé. Son entourage parle de "nouvelles incarnations" pour renouveler la relation avec le public. Mais ce choix soulève aussi des questions sur la pérennité des figures fortes du service public.

Une succession encore ouverte
Le nom de la remplaçante ou du remplaçant d’Anne-Sophie Lapix n’a pas encore été communiqué officiellement. Plusieurs hypothèses circulent. Caroline Roux, animatrice de C dans l’air et spécialiste politique, incarne une forme de continuité sérieuse. Maya Lauqué, visage matinal de Télématin, pourrait porter une image plus accessible. Julien Arnaud, joker sur TF1, ou Sonia Chironi, proche de Laurent Delahousse, sont aussi cités.
Côté masculin, Benjamin Duhamel ou Thomas Sotto représentent une génération montante, formée aux nouvelles grammaires télévisuelles. Le choix final devra conjuguer notoriété, compétence journalistique et attractivité face à un JT de TF1 solidement installé.
Une journaliste respectée et une carrière ouverte
Malgré son départ du 20 heures, Anne-Sophie Lapix conserve un capital symbolique fort. Sa rigueur, sa neutralité revendiquée et sa capacité à maintenir un haut niveau d’exigence en font une journaliste très respectée. Elle pourrait, selon plusieurs indiscrétions, se voir proposer un format hebdomadaire sur France 5, voire un projet spécial sur Franceinfo.
D’autres éventualités existent. Certaines chaînes privées, comme BFMTV ou LCI, pourraient tenter de la recruter. Sa liberté de ton et son image de journaliste non alignée sont des atouts dans un paysage médiatique en mutation. De plus, sa connaissance fine des mécanismes politiques renforce ces qualités.
Une page se tourne pour le service public
L’information sur France 2 ne sera plus la même sans Lapix. Son départ est aussi le reflet des mutations profondes à l’œuvre dans les médias traditionnels. En pleine transformation numérique, France Télévisions est sous pression budgétaire et politique. Par conséquent, elle tente de maintenir un équilibre difficile entre audience, qualité journalistique et renouvellement.
Le visage du 20 heures incarne bien plus qu’un simple rôle d’animateur : il est le point de rencontre entre un public et une vision de l’actualité. En quittant cette fonction, Anne-Sophie Lapix laisse une empreinte durable et ouvre un espace d’interrogation sur la suite. Son parcours, fait de rigueur, d’audace et de maîtrise, continuera d’inspirer bien au-delà du plateau du JT.